L’histoire de la francophonie canadienne est vaste et complexe, pour tenter de mieux l’appréhender Marcel Martel, professeur d’histoire et titulaire de la Chaire Avie Bennett à l’Université York et Joel Belliveau, professeur émérite de l’Université Laurentienne et consultant en histoire, se sont associés dans le but de créer une anthologie de 50 documents sur l’histoire de la franco- phonie canadienne.
Joel Belliveau explique les prémices du projet. « L’idée est venue d’une discussion dans un colloque. Marcel avait lancé cette étincelle. Mais la genèse est que, tous les deux on est historiens et on a déjà vu des recueils semblables de documents sur l’histoire de France, du Canada anglais, du Québec. Mais rien sur la francophonie hors Québec.
« C’est toujours utile pour les professeurs d’histoire et les étudiants. Plutôt que de lire un manuel, les étudiants peuvent se frotter aux sources primaires, ils peuvent suivre les traces du passé. C’est forcément quelque chose qui nous emballe. Surtout que ça rend l’histoire de la francophonie peut-être plus intéressante pour certains. »
Disponible en février 2024
D’ici février 2024, l’anthologie virtuelle sera donc disponible sur le site web de l’Université York. Pour Marcel Martel, le choix du virtuel était évident. « La raison du choix d’un format virtuel plutôt qu’imprimé, c’est qu’on voulait rendre accessible cette anthologie partout dans le monde et pas seulement aux gens qui sont sur place. »
L’historien de l’Université York compte d’ailleurs bien faire valoir la francophonie canadienne hors Québec. « Pour les besoins de l’anthologie, on commence la récolte de documents à partir de la création du Canada. Même si des sources primaires sur la francophonie datant d’avant existent.
« Je voulais vraiment faire prendre conscience aux gens que la francophonie s’exprime depuis des décennies. Ces documents et leur accessibilité vont pouvoir montrer la manière dont les francophones ont donné de la voix au fil des années.
« Je pense que ça va être valorisant et va sensibiliser au fait que la francophonie n’a jamais été silencieuse. Elle s’est toujours exprimée sur des enjeux divers et importants, que ce soit sur sa place au pays, que ce soit sur la dualité linguistique ou encore sur l’éducation. »
Beaucoup de recherches
Outre la multitude d’enjeux, Marcel Martel et Joel Belliveau espèrent aussi montrer la multitude de personnes impliquées. Joel Belliveau enchaîne : « La dichotomie c’est qu’on veut des témoignages qui montrent l’affirmation collective de ces groupes. Mais on veut aussi des documents qui montrent que ce ne sont pas des groupes homogènes qu’il y a des conflits à l’interne aussi. 50 ce n’est pas énorme. Mais ceux dont on ne va pas se servir, vont nous permettre de constituer une banque. Rien ne nous empêche plus tard de rajouter de nouveaux documents, c’est l’avantage du numérique. Nous ne fermons aucune porte. »
Pour leur projet, les deux professeurs sont à la recherche de manifestes, de lettres, de pétitions, de mémoires, de déclarations, de conférences de presse et de tout document que les gens jugeront révélateur d’un moment clé (1). Joel Belliveau insiste : « On sollicite le plus largement possible pour avoir une juste représentation et surtout combler nos angles morts. On discute avec les centres de recherche du pays. D’ici la fin avril, on espère avoir un large éventail de documents pour faire une sélection. »
Marcel Martel complète son collègue : « Cette belle aventure est rendue possible grâce au Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. Joel Belliveau est un spécialiste de la francophonie en situation minoritaire, il est reconnu pour son expertise sur l’histoire canadienne. De mon côté, je suis un spécialiste de l’histoire franco-ontarienne. Il y a un comité scientifique qui nous assiste pour éviter ces fameux angles morts (2). Il va y avoir des documents que je maîtrise.
Mais il va aussi y avoir des documents avec lesquels je ne suis pas familier qui sont tout aussi importants. »
Donner du contexte
Après réception des documents, les deux historiens devront s’attarder à un travail de contextualisation comme l’explique Marcel Martel. « En plus du document, nous allons essayer de faire comprendre ce qui a mené à la rédaction de ce document. Notre site va être bilingue parce qu’un des atouts de la francophonie en situation minoritaire c’est de publier les textes dans les deux langues.
« Alors quelqu’un de peu familier avec la langue française pourra toujours vérifier si on a l’équivalent en anglais, s’il existe on l’ajoutera au site, autrement la personne trouvera toujours un contexte disponible en anglais. »
Pour les plus mordus, Joel Belliveau souligne que « des liens vers d’autres articles historiques seront disponibles pour ceux qui veulent approfondir leurs recherches. »
(1) Pour les personnes qui souhaitent soumettre un document, vous pouvez contacter Joel Belliveau sur son adresse courriel : [email protected]
(2) Arianne Brun del Re, archiviste à Bibliothèque et Archives Canada ; Guillaume Dourou, professeur de sociologie sur le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta ; Valérie Lapointe-Gagnon, professeure d’histoire sur le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta ; Mireille McLaughlin, professeure de sociologie à l’Université d’Ottawa ; Michael Poplyansky, professeur d’études francophones et interculturelles à la Cité universitaire francophone de l’Université de Regina et Eugène Tessier, doctorante en sociologie à l’Université d’Ottawa.