Raymond Clément

Il est vrai que toute activité planétaire utilise de l’énergie. Du transport, aux industries et jusqu’aux bâtiments, une forme d’énergie ou une autre est exigée pour assurer leur fonctionnement.

D’ailleurs le premier producteur et consommateur d’énergie est notre propre corps! Nous l’alimentons d’abord pour maintenir sa chaleur à 37 degrés Celsius et ensuite pour faire fonctionner un peu nos muscles.

Une manière de voir la transition énergétique

Jean-Baptiste Fressoz, un spécialiste de l’histoire des sciences, soutient qu’il n’y a jamais eu de transition énergétique. Pour lui, les générations n’ont fait qu’empiler l’usage de nouvelles énergies les unes par-dessus les autres.

Jean-Marc Jancovici est convaincu que la planète arrive à la limite de ses ressources. Notre Terre avait 13 000 kilomètres de diamètre il y a 4,5 milliards d’années. En 2024 elle a toujours 13 000 kilomètres de diamètre. Depuis 200 ans, on creuse pour obtenir des matières premières et des énergies fossiles qui, en alimentant des machines répandues à grande échelle sur l’ensemble de la planète, ont permis de démultiplier la production mondiale dans la deuxième moitié du 20e siècle.

Mais on a atteint un pic dans la production du pétrole conventionnel en 2018 et on manquera de cuivre et d’autres matières premières dans la deuxième moitié du 21e siècle. C’est pourquoi Jean-Marc Jancovici estime que la notion de transition va plutôt se traduire en termes d’efficacité, de sobriété et de pauvreté.

Efficacité : elle se manifeste surtout par des améliorations dans l’usage grâce à la technologie ou à des décisions politiques. Exemple : en 1990 la voiture moyenne canadienne nécessitait 10,1 litres d’essence pour franchir 100 kilomètres. En 2020, seulement 7,8 litres pour faire 100 kilomètres. Un autre exemple est le congélateur, qui utilisait 1 504 kWh/année en 1990 et seulement 446 kWh/année en 2020.

Sobriété : elle arrive lorsque je choisis librement de changer mon compor- tement. Au lieu de la voiture, je prends le vélo pour aller au travail ou faire des courses à l’épicerie.

Pauvreté : elle intervient quand je subis le manque d’énergie et que je dois m’arranger du mieux possible. Par exemple : sur cette planète, 1 300 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité.

Mon expérience personnelle de la transition énergétique

Durant ma jeunesse, parmi les instruments de travail sur notre petite ferme il y avait la pioche, la pelle, la hache et le seau,très utiles pour accomplir une variété d’activités. Aujourd’hui mes instruments sont le clavier de mon ordinateur, mon téléphone portable et les télécommandes du foyer et de la télévision.

Cette grande transformation sociétale au cours des derniers 60 ans s’est produite grâce à l’arrivée de machines alimentéespar diverses énergies qui ont multiplié la force musculaire humaine par 200.

Mais l’énergie renouvelable ne peut à elle seule remplacer toute l’énergie fossile – faute d’intensité et de disponibilité.D’ailleurs, l’éolienne a besoin de ciment, d’acier et de plastique. Le ciment et l’acier ont besoin de charbon, la premièreénergie de la Révolution industrielle.

Les énergies fossiles devenant plus rares, si je m’inscris dans la logique de Jean- Marc Jancovici, je dois admettre que la production mondiale va aussi diminuer. Et si je dois diviser mon revenu annuel par 200, il tombera au niveau des années 1960. À ce moment-là, je serais obligé de sortir ma pioche pour compléter mon alimentation quotidienne. Et je serais alors considéré comme pauvre.