S’interroge l’enfant en regardant son parent griffonner frénétiquement dans un petit carnet écorné. L’adulte, étonné, lève la tête vers l’enfant et lui explique que c’est ce que font tous les artistes et que c’est son travail de chercher tout le temps de nouvelles idées.

L’enfant ne comprend pas pourquoi il faut chercher de nouvelles idées. Lui, quand il dessine, cela l’aide justement à poser sur le papier toutes les idées qu’il a dans la tête. Lorsqu’il dessine, il raconte toutes ces histoires qu’il imagine en permanence.

L’adulte, lui, quand il dessine, c’est pour chercher des idées. Drôle de manière de faire, pense l’enfant.

L’enfant rencontre beaucoup d’autres artistes dans l’atelier de son parent. Il leur pose toujours beaucoup de questions. Il veut comprendre pourquoi les adultes font de leur métier ce qui est si naturel pour lui.

« Pourquoi sculptes-tu des araignées? », demande-t-il à la sculptrice Louise Bourgeois. La femme répond que l’araignée représente sa mère tisserande qui est morte alors que l’artiste n’était âgée que de 21 ans. L’une d’entre elle s’appelle même « Maman ». Elle tisse sa toile comme le faisait sa propre mère. Drôle de nom pour une araignée, se dit l’enfant. Lui, quand il dessine ses parents, c’est toujours avec un grand soleil et une maison.

L’enfant rencontre l’artiste franco- américaine Niki de Saint Phalle qui l’emmène faire du toboggan sur une des œuvres qu’elle vient de construire dans un musée. L’enfant déclare qu’elle est l’artiste la plus amusante qu’il n’ait jamais rencontrée. Niki de Saint Phalle lui confie que c’est grâce à la création qu’elle ressent de la joie. Ses sculptures aux mille couleurs, ces fameuses « Nanas » ne sont que la métaphore de son enfance et lui permettent de transformer des souvenirs douloureux. C’est une manière pour elle d’exprimer ce qu’elle n’a pas pu dire lorsqu’elle était petite et qu’elle n’avait pas les mots pour raconter sa souffrance.

L’enfant écoute et ne dit rien. Lui aussi peint parfois sa peine. Ses gribouillis

Nerveux de noir et de rouge sont un peu comme des larmes qui coulent de ses mains. Cela apaise les émotions qui sont parfois trop bruyantes comme son parent lui dit souvent.

Parfois, les émotions s’expriment par des mots. C’est le cas de son copain Antonin Artaud qui écrit, fait du théâtre et de la radio. Il l’aime bien car il est un peu excentrique comme disent les adultes. L’auteur explique à l’enfant que c’est parce qu’il voit la réalité en double. Antonin Artaud lui confie que l’art est « un moyen pour atteindre un peu de la réalité qui le fuit ». La création lui permet de révéler des mondes et d’unifier des réalités qu’il perçoit différemment. L’enfant ne comprend pas trop ce que cela signifie mais pense que cela doit être incroyable de vivre dans plusieurs mondes différents en même temps.

L’enfant se pose beaucoup de questions. L’art soignerait-il tous ces adultes qui vont si mal à cause de leur enfance? L’art aiderait-il à rester dans le monde de l’enfance et à fuir une réalité parfois trop sérieuse? Même la grand maître Picasso a cherché toute sa vie à dessiner comme un enfant.

Il est décidément plus facile de prendre soin d’un enfant que de réparer un adulte.

Quelques références :

Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Gallimard, Paris, 1938.

Johanne Hamel et Jocelyne Labrèche, Art- thérapie, mettre des mots sur les maux et des couleurs sur les douleurs, Larousse, Paris, 2015.

Niki de Saint Phalle, Mon secret, Des femmes, Paris, 2023.

https://www.beaux-arts.ca/magazine/sous-les-projecteurs/la-sculpture-maman-de-louise-bourgeois-une-transposition-musicale-de

https://www.beauxarts.com/grand-format/quand-niki-de-saint-phalle-faisait-penetrer-le-public-a-linterieur-dune-nana/

Radio France : podcast, dessiner comme un enfant.