Remettre la chanson Histoire d’antan au goût du jour? L’idée a été lancée. Mais les Franco-Manitobains ne semblent pas vraiment d’accord.

Camille SÉGUY

Changer les paroles de sa chanson, Histoire d’antan, est un défi que le chef de chœur des Intrépides, Marcien Ferland, a lancé à son ami Gérard Jean, alias Ziz, dans les pages À vous la parole de La Liberté.

« Les Franco-Manitobains appellent la chanson Histoire d’antan leur hymne national, mais en fait il s’agit juste d’un conte de fées très populaire, remarque Marcien Ferland. Je propose que Ziz écrive un texte plus représentatif des Franco-Manitobains et de leur histoire.

« Je n’aime pas qu’on fasse un hymne de paroles qui n’ont pas de rapport avec nous, poursuit-il. Ça n’a aucun sens. »

La musique resterait la même, mais avec d’autres paroles, ou en y ajoutant des couplets.

« J’ai lancé ce défi de manière publique pour que les gens embarquent dans le processus, précise Marcien Ferland. Ce serait bien d’avoir un texte né de l’ensemble du peuple. D’ailleurs, la Société franco-manitobaine (SFM) pourrait l’approuver officiellement comme hymne. »

Pas opposé à cette idée, le directeur général de la SFM, Daniel Boucher, précise que « cela prendrait une consultation de la communauté. Adopter officiellement un hymne ne se décide pas en petit groupe. C’est quelque chose d’important, de symbolique ».

Mais si la demande est exprimée par la communauté, la SFM se dit prête à « s’assurer que la discussion ait lieu ».

Vives réactions

Il semble cependant que les Franco-Manitobains ne sont pas prêts à relever ce défi. Même si les paroles n’évoquent pas leur histoire et leurs luttes, ils s’y reconnaissent.

« Cette chanson parle d’une histoire d’antan, où les choses étaient beaucoup plus simples et romantiques, note la Franco-Manitobaine, Monique Roy. C’est un enchantement. Le refrain en particulier parle à tout le monde. Ça peut être un amour pour un lieu, pour un temps, pour quelqu’un… »

Le Franco-Manitobain Aimé Boisjoli renchérit : « Vouloir changer les paroles pour que ça devienne l’hymne franco-manitobain n’a pas de sens, car Histoire d’antan telle qu’elle est a déjà été adoptée comme hymne! »

« C’est un hymne au sens figuré, ajoute la Franco-Manitobaine, Janine Dubé. On l’a spontanément adopté, et ça n’a rien à voir avec le contenu. La musique est très entraînante, c’est ce qui a tout de suite accroché les Franco-Manitobains. »

Rassembleur

Histoire d’antan a été chantée et rechantée lors de fêtes de famille, de rencontres communautaires, et à de nombreux autres événements depuis sa création en 1970. Elle est donc irremplaçable dans le cœur des Franco-Manitobains.

« Histoire d’antan, c’est sacré!, s’exclame Janine Dubé. C’est une chanson qui est vraiment de chez nous, que tout le monde connaît depuis longtemps, et qu’on chante spontanément dans les rencontres de familles ou les rassemblements de Franco-Manitobains. »

Monique Roy explique aussi que l’importance accordée à cette composition est liée aux temps des boîtes à chansons, dans les années 1960.

« La tradition des boîtes à chansons était très forte dans la communauté, se souvient-elle. On se regroupait souvent pour chanter en français, et Ziz faisait activement partie du groupe.

« Les boîtes à chansons nous permettaient de garder notre culture francophone vivante, poursuit-elle. On garde un attachement très émotionnel à Histoire d’antan. On la chantait souvent. Elle nous unissait quand ça n’était pas très bien vu d’être francophone. »

Verdict?

Gérard Jean ne décevra finalement pas les Franco-Manitobains. Il préfère ne pas relever le défi lancé par Marcien Ferland.

« C’est une idée intéressante, mais le public est contre, constate-t-il. Si je change les paroles, j’aurai l’impression de trahir les gens, donc je ne préfère pas. Je respecte l’avis du public. »

Ziz n’a pas non plus l’intention d’ajouter d’autres couplets à Histoire d’antan. « Ça créerait une chanson tout à fait différente, note-t-il. Les gens verraient ça comme une abdication de ce que j’ai fait pour plaire à quelqu’un d’autre. Je n’en ai ni l’envie, ni le temps, et c’est trop risqué. Ce serait un travail énorme de réussir à ne décevoir personne. »

L’auteur de la chanson s’étonne toutefois encore aujourd’hui du succès de sa création de 1970.

« Ce n’était pas censé devenir un hymne, confie-t-il. Je m’étonne toujours que cette chanson ait pris autant d’ampleur. Je l’ai composée comme ça, en pianotant, pendant une tournée avec des musiciens manitobains au Québec.

« Mais quand on l’a présentée au Manitoba à notre retour, les gens l’ont aimée, continue-t-il. Elle a été enseignée dans les écoles car la mélodie est facile et les images sont simples. »