Amies depuis leur rencontre dans un skatepark un soir il y a presque dix ans, Catherine Duguay et Erin Châtelain sont les forces créatrices derrière la revue Betty.

Fruit du rêve d’une jeune Franco-Manitobaine, la revue Betty est consacrée à celles qui savent aussi bien se défendre sur les rampes de skateboard que leurs pairs masculins.

Paul RUBAN

Que le célèbre magazine de skateboard Thrasher ne s’étonne pas de voir se désabonner son lectorat féminin, au profit de son plus récent concurrent de niche. Un concurrent – ou plutôt concurrente –  qui a pour nom Betty.

Il s’agit de la première revue papier de skateboard dédiée entièrement aux femmes, et dont l’existence est due à la Franco-Manitobaine Erin Châtelain. « J’étais longtemps abonnée à des revues comme Thrasher, mais j’ai remarqué que les filles n’avaient pas la couverture qu’elles méritaient », déplore la rédactrice en chef de Betty, terme argot pour désigner les filles qui pratiquent le sport.

Où étaient mentionnées, par exemple, les multiples victoires de la jeune Vanessa Torres, aux championnats nord-américains de skate, le Slam City Jam? Et pourquoi toujours cette manie de faire passer des images publicitaires de femmes en bikini?

« Les filles sont bien plus que de simples mannequins ou des objets de consommation », affirme celle qui se passionne pour le skateboarding au point de marteler la glace sur la rampe de sa cour arrière, l’hiver, pour en accélérer la fonte.

Dès l’adolescence, Erin Châtelain démontrait un penchant pour le monde des magazines, en créant une mini-revue faite maison, intitulée Betty’s Diary, qui prenait la forme d’un assemblage de feuilles photocopiées.

Ce n’est que des années plus tard, dans le cadre d’un devoir pour un cours de communications au collège Red River, qu’elle décide de relever le défi de créer un numéro de revue dont le contenu refléterait les réalités des Betty d’aujourd’hui.

« Tous mes professeurs me décourageaient de le faire, en me disant que ça allait être trop de travail », se rappelle la native de Saint-Boniface qui a toujours rêvé d’être écrivaine.

Le projet, qui a vu le jour en 2008 et dont le deuxième numéro a été lancé à la mi-septembre, est tiré aujourd’hui à 500 exemplaires dans une imprimerie du quartier de la Bourse.

Or, si ses racines sont winnipégoises, Betty voit le monde en grand. Le magazine met en lumière des designers de mode et des artistes locaux, mais

comprend aussi bien des articles sur la manière dont le skateboard peut contribuer à rebâtir l’Afghanistan, que sur une championne du sport au Brésil, ou le groupe des Skirtboarders montréalaises. Erin Châtelain explique que l’anglais n’est pas la seule langue employée dans cette revue, même si cette lingua franca reste majoritaire « afin d’atteindre le plus de gens possible ». D’ailleurs, Betty n’a pas hésité à faire passer des contributions en portugais brésilien, et compte élargir son spectre linguistique.

« Les filles franchissent les frontières en faisant du skate, affirme la collaboratrice principale et graphiste pour le magazine, Catherine Duguay. Pourquoi ne pas en franchir d’autres, qu’elles soient linguistiques, géographiques ou culturelles? »

Si Betty souhaiterait recevoir plus d’articles en français, elle rêve tout aussi bien de couvrir l’émergence du skateboard dans des lieux comme Shanghai.

Erin Châtelain souligne que Betty n’est pas tant une revue « féministe » ou « politique », qu’un espace qui vise à « mettre l’accent sur des femmes qui nagent à contre-courant des stéréotypes.

« On s’encourage tellement entre filles, lorsqu’on atterrit après un saut, par exemple, poursuit celle qui a depuis longtemps maîtrisé l’art de manœuvres telles que le rock-to-fakie ou le tailstall. C’est un sport qui encourage la persévérance et la patience, qui te pousse à te relever malgré les blessures. »

La revue, dont les frais d’impression de 3 000 $ sont couverts notamment par des annonces de restaurants ou de salons de tatouage locaux, espère atteindre un jour le statut d’un trimestriel tiré à 10 000 exemplaires.

Mais avant tout, les pages de Betty cherchent à mettre en lumière « des modèles » pour les jeunes filles qui pratiquent le sport, soutient Erin Châtelain, et leur rappeler « qu’elles ne sont pas seules ».

« J’espère que Betty sera, pour elles, une source d’inspiration », conclut-elle.