M. Michel Joseph Martelly vient de prendre le pouvoir en Haïti héritant ainsi de deux siècles de corruption de l’administration publique, de la paupérisation des masses, de l’effritement de la classe moyenne et plus récemment d’une catastrophe sans précédent si l’on se réfère aux tragédies du 12 janvier 2010. Si l’ex- chanteur semble bien enthousiaste quant à son élection, lui qui n’a pas d’expérience politique ni de l’administration publique, d’autres semblent bien inquiets face aux défis pharaoniques qui l’attendent. Quatre priorités, la refondation de l’état, l’éducation, l’environnement et l’économie, semblent faire l’unanimité auprès des Haïtiens et des amis d’Haïti dans le cadre de la reconstruction.
Au milieu des années 90, au cours du premier terme de présidence de Préval, il s’agissait de restaurer l’autorité de l’État. Ce slogan était bien reçu dans la population qui y croyait à bien des égards. Préval aurait pu devenir le président le plus populaire s’il avait les moyens de sa politique à savoir ressusciter cet État moribond. Pourtant le niveau de vie des Haïtiens se sont détériorés depuis, au point que le pays fait la queue dans toutes les classifications indexées par les indicateurs de développement social, économique et humain. L’indice de pauvreté multidimensionnelle du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) classe Haïti parmi les plus faibles des 160 pays étudiés. Cette autorité de l’État transiterait d’abord par un État de droit tel que préconisé par Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations Unies, lors de la nouvelle de la victoire de Martelly aux élections. Bien que le nouveau président semble convaincu de la nécessité de refonder cette nation haïtienne et du même coup de consolider les structures étatiques, néanmoins il va falloir y aller de main de maître. Déjà la Constitution de 1987 dont une dizaine d’articles furent amendés la semaine avant l’investiture présidentielle du 14 mai divise l’opinion publique. Si la multiplicité des citoyennetés est acceptée, certains comprennent mal qu’un Haïtien Américain, ou Français puisse briguer des postes électifs sans renoncer à sa citoyenneté étrangère. Le débat et les consultations n’ont même pas eu lieu que le texte erroné des amendements ait été déjà publié dans le Moniteur, journal officiel du gouvernement haïtien. Qui a falsifié le texte? Au profit de qui? Pourquoi arrêter des amendements aussi importants uniquement en français (le créole et le français étant les eux langues officielles du pays) sans organiser des consultations transparentes et démocratiques. Les réponses se font attendre mais le leadership de Martelly sera testé quant au consensus national sur les amendements de la Constitution de 1987.
La promesse la plus populaire de la campagne Martelly a été l’éducation gratuite et obligatoire. Quand la Constitution de 1987 l’avait déjà établi, le nouvel élu semble y voir un élément rassembleur et se dit très inquiet du déficit éducatif au niveau fondamental qui prend en compte les élèves de 4 à 15 ans. Si le souhait d’offrir une éducation à tous les jeunes haïtiens demeure incontestable, peu est fait pour que cette éducation de qualité. Le gouvernement d’Aristide avait multiplié des lycées à travers le pays surtout dans les zones rurales. Des enseignants étaient recrutés à tort et à travers, il faut constater qu’aujourd’hui encore la plupart sont restés sans contrat de travail, fragilisant ainsi l’offre de l’éducation publique tablée à 20%. Les efforts de rendre l’éducation accessible à tous doivent éviter les dérives de la massification. Démocratiser l’éducation est loin de la massifier, dans le cas d’Haïti seule la démocratisation du système éducatif limitera le fossé entre les nantis et les dépourvus. Les enfants issus des masses ont faim du pain de l’instruction mais le discours de l’éducation pour tous semble embêter la bourgeoisie traditionnelle haïtienne. Éduquer pour mieux inclure les laissés pour compte et les sans voix sera un critère dévaluation clé de la réussite du projet Martelly.