St-Laurent - Twin Lakes
L’orage du 31 mai a détruit ou endommagé bien des maisons et des chalets à Saint-Laurent. Ici, un chalet de Twin Lakes.

Rendus à la mi-juin, les Manitobains ont l’habitude de se sentir soulagés d’avoir survécu, une fois de plus, aux inondations printanières. Or, pour les sinistrés de 2011, l’état d’alerte pourrait perdurer jusqu’à la fin de l’été.

Daniel BAHUAUD

Dans la vallée de la rivière Rouge, les inondations printanières appartien­nent déjà au passé. Mais le long de la rivière Assiniboine, où les résidants vivent dans la vigilance depuis presque deux mois, et le long du lac Manitoba où le niveau d’eau continue de monter, la crise est loin d’être passée.

« À Saint-Lazare, nous ne pouvons pas encore penser au nettoyage, déclare l’administrateur de la Municipalité d’Ellice, Richard Fouillard. Un de nos résidants a perdu sa maison. Une autre a un sous-sol inondé. Mais l’eau n’a descendu qu’un petit brin. Les chemins sont maintenant dégagés, mais à peine. De plus, on nous annonce qu’il faudra être sur le qui-vive, à cause de pluies en Saskatchewan. »

En effet, en raison de ces intempéries ainsi que d’orages dans le Sud-Ouest manitobain, la Province a annoncé, le 10 juin, qu’une deuxième crue de la rivière Assiniboine était possible. Une nouvelle qui ne réjouit pas les sinistrés de Saint-Laurent, dont les propriétés ont été détruites ou gravement endommagées par l’orage du 31 mai.

St-Laurent - Chez Louis Allain
Louis Allain contemple les dégâts au premier étage de sa maison à Saint-Laurent.

« À toutes fins pratiques, nous sommes fichus, lance un résidant de la plage Twin Lakes, Louis Allain. Le nettoyage de notre maison n’est pas possible, puisque l’eau reste haute malgré nos pompes. Le premier étage est devenu une piscine. On y voit déjà des affaiblissements importants dans la structure. Avec un peu de chance, on pourra sauver la partie supérieure de l’édifice, en la soulevant. Mais il faut pour cela espérer que le temps et le niveau d’eau vont coopérer. Après deux semaines, même l’étage supérieur est vulnérable à l’apparition de champignons.

« Entre-temps, nous faisons ce que nous pouvons, poursuit-il. Le lac est calme, alors nous sortons ce que nous pouvons de notre maison, de façon stratégique : des vêtements, des outils pour notre fils et des items pour le travail. Mon épouse et moi habitons la ferme de mon père, à Saint-Laurent. Et j’ai l’impression que nous y serons jusqu’à l’automne. »

Propriétaire d’un chalet à la plage Laurentia, Alain Perron n’a pas perdu son édifice, mais une bonne partie de son terrain. « La plage Laurentia est sablonneuse, explique-t-il. Malgré des grandes pierres et un mur de soutènement construit de traverses de chemin de fer, l’eau a réussi à ronger la cour. Il faudra consulter des ingénieurs pour réparer ça. Les travaux coûteront plusieurs sous. La question demeure quand je pourrai commencer. Des sections de route sont toujours sous l’eau. On peut circuler, mais le poids limite de véhicules est d’une tonne. Et qui sait? Une nouvelle tempête pourrait s’abattre sur nous. C’est loin d’être fini. »

Sous le choc

Le stress de voir détruire en quelques heures le travail de toute une vie est énorme. Or, les évacués de Saint-Laurent se disent heureux de l’esprit commu­nautaire solide de leur village, et reconnaissants de l’appui qu’ils ont reçu de l’extérieur.

« To

ut le monde est stressé ici, déclare une résidante qui coordonne les rencontres du groupe Marchons ensemble, Denise Allard. Je n’ai pas été inondée, mais mon père, ma sœur et ma nièce ont été affectés. La crise touche tout le monde. Alors chaque jour, nous invitons les évacués et leurs familles à se rencontrer en fin de journée et à marcher dehors. Ça détend. »

« La marche a remplacé nos lieux de rencontres habituels, puisque nous n’avons plus de maison, ajoute à son tour une sinistrée, Michelle Fortier. Ensemble, on

peut partager nos inquiétudes et se défouler un peu. »

« Il y a tout de même des limites à la gestion du stress entre pairs, fait remarquer Louis Allain. Certains ont des besoins criants. Quand je pense aux personnes âgées qui sont maintenant dans des chambres d’hôtel, je suis heureux que l’organisme Pluri-elles soit venu à Saint-Laurent offrir du counselling aux gens affectés. »

Producteur de Saint-Jean-Baptiste, Luc Sabourin dit comprendre le choc et le stress des sinistrés. « Ce printemps, mon fils se promenait en bateau pendant presque cinq semaines pour se rendre de sa maison au village, déclare-t-il. Et puis une fois l’eau descendue, il a fallu travailler comme des fous pour nettoyer les champs qui longent la rivière Rouge. Ensuite, il a fallu semer dans la boue. Les inondations sont devenues presque annuelles. J’en suis écoeuré. Et moi, je savais ce à quoi m’attendre. Je pense beaucoup aux gens de Saint-Laurent et d’ailleurs qui ont connu une sacrée surprise. »