Steve Ashton et Greg Selinger annoncent la construction de deux canaux de dérivation.
Steve Ashton et Greg Selinger annoncent la construction de deux canaux de dérivation.

La Province du Manitoba va construire, aussi vite que possible, deux canaux de dérivation pour faire baisser le niveau d’eau des lacs Saint-Martin et Manitoba.

Camille SÉGUY

Le premier ministre du Manitoba, Greg Selinger, l’affirme, appuyé par un rapport des firmes d’ingénieurs AECOM et KGS Group, « si rien n’est fait maintenant concernant les inondations autour des lacs Saint- Martin et Manitoba, des centaines de maisons et de chalets seront menacés. C’est un risque que nous ne voulons pas prendre ».

Il a donc annoncé, le 26 juillet, la construction en urgence d’un canal de dérivation de huit kilomètres pour libérer l’eau du lac Saint-Martin, mais aussi, indirectement, celle du lac Manitoba. De plus, le dispositif de régulation des eaux de la rivière Fairford sera maximisé durant l’hiver au moyen d’un canal de dérivation de 2,5 kilomètres pour absorber directement l’excès d’eau du lac Manitoba.

« Tout est en place pour commencer les travaux du premier canal, indique le premier ministre. On espère terminer sa construction d’ici novembre, pour pouvoir ensuite commencer les travaux sur le dispositif de régulation, mais ce sont des conditions de terrain difficiles. »

Le ministre provincial de l’Infrastructure et des Transports, Steve Ashton, précise que « ce qui prend normalement des mois de construction va être condensé en quelques semaines. Ce sera un défi, mais ne rien faire n’est pas une option. On va travailler jours et nuits ».

Le directeur de projet à AECOM, Eric Blais, précise que les ingénieurs ont étudié « autant d’options que possible, et celle-ci est la meilleure solution ».

Le premier canal, au coût de 100 millions $, rejoindra le lac Saint- Martin et le lac Winnipeg. Le second canal, d’un coût de 60 millions $, sera construit au nord du dispositif de régulation existant. La Province espère bénéficier d’un soutien financier du gouvernement fédéral dans le cadre de son Programme d’aide en cas de catastrophe.

« On souhaite faire baisser le niveau d’eau de deux ou trois pieds dans chaque lac d’ici le printemps prochain, précise Greg Selinger. Notre objectif est de réduire le stress des personnes touchées par cette inondation qui est la plus longue jamais vécue au Manitoba, et les ramener à leur vie, mais aussi d’éviter de revivre cette situation à l’avenir. »

Suffisant?

Si la nouvelle réjouit les résidants évacués, comme Julien Chartrand à Saint-Laurent, l’optimisme n’est toutefois pas au rendez-vous.

« Ça va aider pour l’avenir, mais c’est déjà trop tard pour nous, affirme-t-il. On ne sait pas à quelle vitesse le lac va redescendre, et de toute façon, même si je pouvais rentrer chez moi, ma maison est détruite. Alors je n’ai pas trop d’espoir. J’attends de voir, mais ça ne fera pas de miracles. Selon moi, si le niveau du lac Manitoba baisse d’un pied sur tout l’hiver, on sera chanceux. C’est un gros lac.

« De plus, poursuit-il, ça va être pire en automne avec les vents. Quand le lac était bas, les vagues passaient déjà presque par dessus, alors cette année, je suis très inquiet de ça. »

Il reconnaît toutefois l’importance d’un canal de dérivation pour les années à venir. « C’est tout de même important pour que ça n’arrive plus, déclare-t-il. Je ne veux pas revivre ça deux fois! »

Le préfet de la Municipalité rurale de Saint-Laurent, Earl Zotter, partage son avis que « c’est une bonne nouvelle mais trop tard. Le dommage est fait, alors qu’on demandait depuis longtemps un canal de dérivation. On est maintenant à cinq ou six pieds au-dessus du niveau contrôlable et on n’a pas encore vu le pire, c’est-à-dire les tempêtes d’automne. Les canaux de dérivation ne résoudront pas le problème pour cette année. L’eau restera haute jusqu’en avril prochain ».

De plus, il estime « très optimiste de dire que la construction sera finie d’ici novembre ». « Si ce n’est pas fini en novembre, on continuera pendant l’hiver », s’engage Greg Selinger.

Quant aux communautés qui pourraient être affectées par l’eau acheminée par les canaux de dérivation, notamment la réserve de la Première Nation Dauphin River, « on travaille en consultation avec toutes les communautés concernées, conclut Greg Selinger. On veut s’assurer de toutes les protéger et de minimiser l’impact de ces constructions. On a leur soutien ».

La Liberté a tenté de rejoindre la Première Nation Dauphin River, en vain.