Erlking
Pour Dominique Rey, la créature grotesque au milieu d’un paysage traditionnel et apaisant, tel le Erlkönig allemand, est une métaphore de l’autre en soi-même.

L’artiste visuelle franco-manitobaine, Dominique Rey, présente à Berlin, en Allemagne, une nouvelle exposition dans la continuité de son thème de recherche artistique : la marginalité.

Camille SÉGUY

C’est à Berlin, la capitale allemande, que l’artiste visuelle franco-manitobaine, Dominique Rey, a dévoilé sa nouvelle exposition d’art performatif, Erlking, en montre depuis le 23 juillet et jusqu’au 12 août.

« L’exposition réunit les travaux des finissants du programme d’études en Beaux-Arts de deux ans de l’Institut Transart, à Berlin, dont j’ai fait partie, explique Dominique Rey. Les étudiants viennent de partout au monde, dont l’exposition finale est centralisée à Berlin. »

C’est par ailleurs la première fois qu’elle expose en Europe, ce qui a demandé de la logistique pour le transport des œuvres qu’elle a réalisées au Manitoba, lors d’une résidence dans le cadre de ses études.

« C’est difficile de transporter des œuvres et on prend toujours un risque, affirme Dominique Rey. Mais il est plus important d’exposer ses œuvres autant que possible, pour qu’il y ait un dialogue. Sinon, ce n’est pas la peine de faire de l’art. »

Créature en soi

Pour sa part, l’artiste franco-manitobaine a travaillé sur le projet Erlking, un nom qu’elle a dérivé de Erlkönig en allemand. « Erlkönig est le nom d’une créature malveillante allemande, dans une fable, raconte Dominique Rey. Cette créature attend les voyageurs au cœur de la forêt pour les pousser vers leur mort. »

À partir de ce personnage de légende, c’est l’être humain que l’artiste a étudié dans son corpus de quatre œuvres photographiques et une vidéo.

« Pour moi, ce personnage est une métaphore du voyage à l’intérieur de soi, confie-t-elle. Ça pose la question de la possibilité d’accepter l’autre en dedans de soi, surtout s’il est grotesque et malveillant. »

Pour matérialiser son idée, Dominique Rey a pris des photos et une vidéo de paysages manitobains calmes et familiers, et elle y a inséré sa propre personne, déguisée en « créature ambiguë qui nous interpelle », décrit-elle.

Marginalité

Si Erlking traite de la marginalité et du grotesque en dedans de soi, ce thème général intéresse Dominique Rey depuis plusieurs années.

« Je suis influencée depuis plus de dix ans par le collectif d’artistes The Abzurbs à Winnipeg, que j’ai créé et dont l’une des intentions est de jouer avec le grotesque et l’absurde pour venir en contact avec ce qui nous répulse ou qu’on a réprimé, l’inconnu.

« Le projet Erlking est aussi une continuité de mon travail solo, ajoute-t-elle. J’ai beaucoup exploré les sujets en périphérie de la culture dominante, marginalisés et vivant des vies extrêmes, surtout les femmes. J’ai toujours eu un attrait, une curiosité de l’être humain et de sa complexité. Erlking va dans ce sens. »

Entre autres, Dominique Rey a déjà étudié, dans deux projets distincts, les religieuses et les essayeuses.

Elle assure d’ailleurs que le projet Erlking « n’est pas terminé. C’est un sujet qui m’intéresse et m’intrigue encore beaucoup, donc je continuerai à travailler dessus quand je serai de retour au Manitoba ».

Pour l’heure, ce sont les Berlinois qui ont l’opportunité de découvrir l’artiste et ses œuvres. « Je suis très fière car j’étais la présidente de la classe et j’ai réussi à faire en sorte que l’exposition soit située au cœur du quartier artistique de Berlin, conclut Dominique Rey. Elle est donc très accessible aux habitants de Berlin, alors que les expositions des finissants précédents étaient plutôt à l’écart. Et pour le moment, les réactions du public à mes œuvres semblent positives. »