Deux ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, Haïti peine encore à s’y remettre. La vie dans les tentes fait partie du paysage de Port-au-Prince, dont les périphéries sont encore témoins de l’émergence de nouveaux  bidonvilles tels que Canaan. Les citoyens avisés s’étonnent et sont frustrés de la gestion de la reconstruction qui semble comme le processus de démocratisation prise au piège dans une éternelle transition. Si on doit dresser un bilan de ce qui en est après 48 mois, on a si peu à mentionner de positif vu l’envergure des besoins tant individuels que collectifs qui restent encore à combler.

L’ONU se félicite d’avoir créé 300 000 emplois temporaires et que la moitié des débris, qui jonchaient les rues de la capitale haïtienne, sont enlevés et que la moitié des gens vivant sous les tentes ont quitté. Par contre on ne sait pas comment ces emplois sont comptabilisés. Peu importe, la création d’emplois est un facteur clé dans la reconstruction de ce pays pris d’assaut par les ONG. Une situation qui laisse perplexe des Haïtiens de partout dont René Dépestre, 86 ans, écrivain haïtien vivant en France, très critique au gouvernement de Martelly et plus près de nous au Canada, Michaelle Jean, Déléguée d’Haïti auprès de l’UNESCO. L’ancienne gouverneure générale s’insurge contre la mise à l’écart du gouvernement haïtien dans le processus de reconstruction qui n’a reçu  que 1% du fonds de 6 milliards  de dollars destinés à cette reconstruction.

Dire que l’État haïtien est en faillite fait un peu cliché. Par contre la reconstruction d’Haïti passe  obligatoirement par la refondation des structures étatiques  puisque sa capacité à se relever conditionne le devenir de cette nation vieille de plus de deux cents ans. En bref, le Premier Ministre l’a vu juste en parlant d’une refonte de l’administration publique et du renforcement institutionnel. Si le FMI prévoit une croissance économique au moins de 8% cette année, les grands chantiers d’infrastructures, de relocalisation des sans-abri, de la modernisation des aéroports de Port-au-Prince, de  la construction de celle du Cap-Haitien, de Port-de-Paix, des Cayes en seront le fer de lance. Le pays connaitra des moments d’opportunités que les Haïtiens doivent saisir dans le contexte d’un pacte de vivre et de travailler ensemble pour paraphraser Gary Conille.

Lors du forum international des hommes d’affaires tenu l’automne dernier, Martelly et son équipe avaient annoncé la création de 500 000 emplois au cours des trois prochaines années. Promesse dont plusieurs observateurs jugent farfelue vu le contexte socio-économique actuel du pays. De plus, même si ces emplois existaient il y aurait un grand manque à gagner et Haïti devrait carrément importer cette fois non seulement de l’eau embouteillée de la République dominicaine mais aussi de la main d’œuvre qualifiée. Si la population est très jeune avec un âge médian de 20 ans, ce qui confère à l’île des Caraïbes un certain avantage comparatif, il faudrait y mettre une valeur ajoutée pour être vraiment compétitif. Des 800 enfants qui naissent chaque  jour,  574 s’en vont à l’école, 27 termineront le secondaire, 7 auront un diplôme universitaire et au moins 5 de ces universitaires quitteront Haïti. En bref, le propos le plus rassembleur ces jours-ci semble que : former sa jeunesse est la priorité de ce pays.

Le séisme qui nous a coûté au moins 300 000 vies interpelle à une éducation intégrée, inclusive et moderne. Je me demande à juste titre comment des élèves qui étudient les failles et autres concepts géologiques en classe de rhétorique (11ème année au Canada) n’ont jamais été exposés au scénario de tremblement de terre. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 de niveau 7 à l’échelle de Richter ne ferait aucune victime en Californie et moins de 10 au Mexique selon les données du département de géologie des États-Unis. Des victimes racontent que d’autres sont morts à cause de leur réaction de survie qui serait d’abandonner les rues pour aller s’abriter dans des maisons de fortune quand la terre commençait à bouger. D’autres ont la vie sauve parce qu’ils ont regardé le film 2012 et ont compris ce qu’est un tremblement de terre et les mesures de survie à adopter.

Tout compte fait, la reconstruction du pays passe d’abord et avant tout par une refonte de son système éducatif. Les jeunes constituent la relève, dans le cas d’Haïti, cette assertion constitue la vitalité de tout vrai projet de société. Une éducation que Martelly veut démocratiser en parlant de l’école gratuite, mais il est temps qu’on l’humanise et qu’on l’haïtianise. Une éducation au service du pays, acclimaté selon les urgences et les défis qui ne font que trop attendre.

Avec le PM, nous souhaitons que les tentes n’existent plus à la fin de 2012. Mais aussi que la paupérisation de la population recule, que le capital de la reconstruction soit contrôlé par les élus du peuple et que les jeunes aient accès à une éducation de qualité et intégrée. C’est décevant de toujours espérer dans le cas d’Haïti comme si l’espoir à lui seul changerait quelque chose mais en ce début d’année qui ne commence que le 12 janvier maintenant pour Haïti, on se permet d’être optimiste et serein. Tout en faisant un travail de mémoire pour que les leçons du 12 janvier soient apprises et suivies.