Le ministre des Finances du Manitoba, Stan Struthers, a déposé le 17 avril dernier son budget pour l’année 2012-2013.

La Liberté - 25 avril 2012
Stan Struthers a présenté son budget le 17 avril au Palais législatif de Winnipeg.

Le budget pour 2012-2013 de la Province du Manitoba, présenté le 17 avril dernier à l’Assemblée législative du Manitoba par le ministre provincial des Finances, Stan Struthers, prévoit un déficit de 460 millions $. Toutefois, la Province, qui est actuellement en déficit de 1,2 milliard $, n’a pas l’intention de dépenser sans compter et elle prévoit un retour à l’équilibre budgétaire en 2014-2015.

« Nous avons des bases écono­miques solides au Manitoba mais les temps restent difficiles avec la crise économique mondiale, les coupures du fédéral et le coût des inondations de 2011, confie Stan Struthers. Nous allons donc réduire les dépenses gouvernementales de 3,9 %. »

Entre autres, les salaires des députés sont gelés, dix ministères ont reçu un budget égal ou inférieur à ce qu’ils avaient auparavant, le nombre de commissions de la Province est réduit, avec notamment la fusion de la commission des alcools avec celle des loteries, et le nombre d’Offices régionaux de la santé (ORS) passe de 11 à cinq pour réduire les coûts administratifs. « Au total, tout cela va nous rapporter 128 millions $ », calcule Stan Struthers.

Les Manitobains sont aussi appelés à participer à l’effort. La Province a mis sur pied de nouvelles taxes sur les cigarettes, sur certains services esthétiques comme les tatouages, ou encore sur l’essence.

« Chaque cent de la taxe sur l’essence, dont le prix va augmenter de 2,5 cents par litre à partir du 1er mai 2012, sera réutilisé pour les travaux d’infrastructures, précise Stan Struthers. Après les inondations de 2011, il y a plus de 80 ponts et routes à réparer. »

« C’est une hausse très modeste des taxes pour mieux investir dans les secteurs prioritaires pour les Manitobains, souligne le premier ministre du Manitoba, Greg Selinger. Le Manitoba est parmi les trois provinces canadiennes où le coût de la vie est le plus abordable, et on va s’assurer qu’il le restera. »

Mieux cibler
Si le gouvernement néo-démocrate de Greg Selinger prévoit réduire ses dépenses, il veut le faire sans nuire aux services les plus importants pour les Manitobains, notamment la santé, l’éducation, les infrastructures et les familles. Les budgets de ces ministères ont d’ailleurs été augmentés.
En santé par exemple, la ministre manitobaine de la Santé, Theresa Oswald, explique qu’« une trentaine de postes administratifs seront coupés, mais aucun ne le sera au niveau des services de première ligne. On va continuer à écouter et servir les communautés locales, y compris francophones ».

Pour sa part, le directeur général de l’ORS du Sud-Est qui va fusionner avec l’ORS du Centre, John Stinson, accueille très favorablement la décision de la Province. Il a déjà annoncé, le 20 avril, la fusion des deux ORS prévue dès le 18 mai prochain.

« C’est une excellente opportunité pour offrir de meilleurs services dans la région, se réjouit John Stinson. On pourra mieux coordonner nos efforts, notamment entre l’Hôpital Sainte-Anne et celui de Notre-Dame-de-Lourdes. On va devenir un grand ORS bilingue desservant de nombreuses communautés. »

La directrice générale du Conseil communauté en santé du Manitoba (CCS), Annie Bédard, n’a pas non plus de craintes pour l’offre de services de santé. Elle reste cependant vigilante pour ce qui est des services en français. « C’est à surveiller, souligne-t-elle. On espère ne pas perdre nos champions qui font avancer les dossiers francophones. »

Mais Annie Bédard note déjà des éléments positifs. « L’ORS de Brandon n’était pas désignée bilingue avant mais maintenant, du fait de sa fusion avec l’ORS Assiniboine désigné bilingue, on peut s’attendre à des services en français à Brandon, se réjouit-elle. De plus, pour mieux servir les francophones, il est toujours bon d’agrandir les frontières et de collaborer. »
Le président-directeur général de la Société franco-manitobaine (SFM), Daniel Boucher, confirme. « On va être vigilants, mais ces fusions peuvent être l’occasion de nouveaux partenariats positifs et de belles synergies », estime-t-il.

Du côté de l’éducation, « le financement du Bureau de l’éducation française (BEF) n’a pas baissé, ce qui est une bonne nouvelle pour les bourses de nos étudiants », remarque le secrétaire général de l’Université de Saint-Boniface (USB), Stéphane Dorge.

Quant au président manitobain de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCEE), Marakary Bayo, il est satisfait de « l’augmentation de 5,3 % du budget pour les universités et les institutions postsecondaires, ainsi que l’allège­ment des critères d’accessibilité aux prêts étudiants. Le gouvernement Selinger a tenu ses promesses électorales », souligne-t-il.

Toutefois, il ajoute que « notre grande déception concerne les frais d’inscription. On s’attendait à un gel. Cependant, ils seront plafonnés au taux d’inflation ».

Avis partagés

Pour l’Opposition, les propositions du gouvernement Selinger dans son budget 2012-2013 ne résoudront pas les difficultés financières de la Province.

« Le gouvernement Selinger a toujours dépensé au-dessus de ses moyens et maintenant, il veut faire payer les familles manitobaines avec de nouvelles taxes, déplore le chef du Parti progressiste-conservateur du Manitoba, Hugh McFadyen. Ce n’est pas la meilleure façon de faire avancer une Province. Ce budget est un échec et Greg Selinger trahit ses promesses électorales en augmentant les taxes des Manitobains. »

Quant au chef du Parti libéral du Manitoba, Jon Gerrard, il estime que « les mesures de ce budget, comme la fusion des ORS, ne sont qu’une façade pour masquer le fait qu’il y a de plus en plus de familles pauvres au Manitoba. Le gouverne­ment Selinger a échoué à répondre aux défis les plus importants des Manitobains ».

L’économiste Raymond Clément estime pour sa part que « les objectifs de la Province restent raisonnables et leurs augmentations de dépenses sont bien ciblées. Il y aura toujours des mécontents car le gouvernement ne peut pas répondre à tous les besoins, mais il a fait ce qu’il a pu et je ne vois rien de choquant dans ce budget ».

Il s’inquiète néanmoins qu’avec la population qui vieillit et l’immigration qui pourrait baisser du fait des décisions du gouvernement fédéral, les dépenses en santé et en éducation deviennent difficiles à soutenir.

Le politologue Raymond Hébert n’est pas non plus surpris des mesures annoncées par le gouvernement Selinger dans son budget. « Ce budget se situe dans la lignée du Discours du Trône présenté en octobre 2011, affirme-t-il. Le gouvernement Selinger a toujours dit que ses priorités étaient l’éducation et la santé. Il est consistant. »

Il remarque par ailleurs que ce budget se situe bien dans la veine néo-démocrate. « Alors qu’au fédéral, on sabre dans les dépenses et les services pour ne pas devoir augmenter les taxes, selon la logique conservatrice, au provincial, on crée de nouvelles taxes et on réaménage les services pour qu’ils soient plus rentables, mais on ne les coupe pas, conclut Raymond Hébert. C’est la logique néo-démocrate. »

Camille SÉGUY | Journaliste