Aujourd’hui, nous avons appris que Michelle Cénérini nous a quittés. Le chagrin nous envahit. De savoir que cette femme au sourire lumineux, qui combinait l’audace à la timidité, qui était d’une intégrité sans faille, une passionnée de sa communauté, de sa famille, une activiste aux valeurs qui déplacent des montagnes, de savoir donc que Michelle n’est plus parmi nous, nous remplit d’une tristesse indicible.

Le Manitoba français est en deuil certes, mais aussi tous ceux et toutes celles qu’elle côtoyait depuis 1999 au Palais législatif à Winnipeg. Si les fonctionnaires la connaissent peu à son arrivée, ils ne tardent pas à apprécier son engagement, son savoir-faire, son professionnalisme. Elle donnait de son temps sans compter et, grâce à elle, bien des dossiers dits « sensibles » ont avancé dans la plus grande discrétion.

Michelle avait fait tout le parcours de la mère combattante francophone, avec une ironie qui lui ressemblait. Aux États généraux de la francophonie, en 1987, elle met des lunettes noires pour contempler l’avenir du Franco-Manitobain, surprenant tous ceux et celles qui estiment que le sujet est très (trop?) sérieux. Elle le pense aussi, mais elle aime « mieux avoir plus de droits que de choix ». Avec son chapeau venu « tout droit de la fin du siècle dernier » et ses longs gants blancs, elle sait montrer avec son mari, Marcel Gosselin, que prendre au sérieux les futurs enjeux de sa communauté veut aussi dire savoir rire de soi.

Elle tenait à sa communauté francophone. À preuve. Elle qui était timide au point de rougir dès qu’elle prenait la parole, elle choisit de se présenter et de faire partie de la première élection du niveau politique de la toute nouvelle Division scolaire franco-manitobaine. Commissaire de la première heure, elle sait écouter, mais surtout elle n’est pas dupe des grands effets de manches, des déclarations qui attirent les micros. Non, elle s’informe, recherche, travaille plutôt pour des pistes de solutions à des problèmes de taille. L’histoire des deux premières années de la DSFM en est une de défis, de crises, mais aussi de victoires tranquilles, solides. Michelle était de la première équipe, et elle a su gagner le respect de bien des employés et de collègues.

Lorsque le gouvernement Doer est élu en 1999, Michelle devient l’adjointe du ministre des Finances et responsable des services en langue française, Greg Selinger. Elle le suit lorsqu’il devient premier ministre. Elle est encore plus efficace dans sa discrétion. Elle sait que si on vient la voir, ce n’est pas pour des faveurs futiles, mais plutôt pour des problèmes sérieux, graves parfois. Elle a suffisamment d’intuition, de doigté et de connaissances de sa communauté culturelle et de sa communauté professionnelle pour faire la passerelle et donner le coup de pouce qui fait la différence. Elle laissera là aussi un vide immense.

Pour avoir travaillé avec elle dans son rôle de commissaire à la DSFM, et ensuite d’adjointe politique, pour l’avoir rencontrée simplement pour échanger, pour l’avoir interviewée pour le Tome 5 de l’Histoire du Manitoba français, je dois dire que nous avons perdu une femme extraordinaire, lucide, intelligente, une femme de cœur, une passionnée aux manières à la fois douces et fortes, une femme qui laisse un grand vide par son absence.

Condoléances à toute sa famille de cœur et de culture. Le Manitoba français perd quelqu’un de qualité. Au revoir et merci pour tout Michelle. Tu nous manqueras plus que les mots ne peuvent l’exprimer.

 

Jacqueline Blay | Le 5 juillet 2012