La Liberté - Chronique haïtienneLe bilan de la  première année de présidence de Martelly échue le mois de mai dernier semble mitigé. Pour le président, des progrès majeurs ont été accomplis mais un consensus semble se dégager dans les médias, à savoir le locataire du palais national ne fait que piétiner.

Dans les différentes interviews accordées pour commémorer le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir, Martelly s’est donné un satisfecit.  Les réalisations qu’il a citées vont des travaux en infrastructures à l’augmentation de l’offre scolaire en bonifiant le programme de scolarisation universelle. Au niveau de la reconstruction, il n’y aurait que 400 000 déplacés qui vivent sous les tentes et plusieurs voix s’accordent pour dire que Port-au-Prince se fait un nouveau visage tant la capitale s’est débarrassée  des débris du tremblement de terre de 2010. En fait,  les récents travaux de rénovation du principal aéroport du pays, Toussaint Louverture, témoignent de  cette ère nouvelle dès qu’on arrive à Port-au-Prince. Les villes de province ont aussi reçu leur part  du gâteau. Les Cayes a accueilli le carnaval traditionnel et a bénéficié du même coup quelques kilomètres de route. Les retombées du tourisme local ont laissé des traces positives dans la troisième ville du pays.

Le 14 mai dernier qui marqua ce premier anniversaire est aussi témoin de l’arrivée d’un nouveau premier ministre : Laurent Lamothe, homme d’affaires de renommée internationale qui investit en Afrique dans le domaine des Télécommunications,  est aussi très proche de Martelly. La complicité du duo Martelly/Lamothe fait penser à celle d’Aristide/Préval qui sont devenus depuis des adversaires tant les intérêts individuels ont balayé leurs relations amicales. En ce sens, le président a augmenté son actif car la présidence et la primature en Haïti ne font jamais bon commerce tant l’ancienne Constitution de 1987 accordait des prérogatives au premier ministre, qui est censé nommé, au dépens du président, un élu du peuple.

Lamothe, l’ancien ministre des Affaires Étrangères sous le gouvernement de Conille qui a dirigé le pays pendant seulement quatre mois, garde encore cette portefeuille ministérielle et promet beaucoup. Les attentes sont élevées de la part de la population par rapport à ce jeune fonctionnaire fougueux, dynamique et prêt à mettre le paquet pour réaliser ses objectifs.

Ceci dit, les critiques abreuvent aussi sur l’immaturité du président qui a ralenti le processus  de reconstruction du pays  autour duquel  le slogan de l’équipe gouvernementale est devenu : « Haiti is open for business ». Le code de commerce en Haïti parait simple mais le processus de création de l’entreprise peut s’étendre sur plusieurs mois, ce qui prend quelques jours en République dominicaine, territoire limitrophe. Lamothe promet de réduire cette période mais la bureaucratie haïtienne tarde à trouver son efficacité. D’autres parts, les assassinats de policiers récemment  perturbent l’image d’Haïti dans les milieux touristiques étrangers. La sécurité en Haïti n’est pas pire que les pays avoisinants tels les Bahamas, la République dominicaine ou la Jamaïque sauf qu’en Haïti la perception du public est différente par rapport aux crimes. Les médias en parlent beaucoup et les grandes chaînes de nouvelles en  font leur choux gras. Et cette perception, tant elle perdure, nuit à cette industrie touristique qui était encore florissante dans les années 80 quand Haïti était la destination de choix des Québécois. Quand les habitants de certains quartiers de Port-au-Prince savaient dormir sans verrouiller leurs portes.

Quelques faits impromptus ont encombré aussi la première année de Martelly au pouvoir. On peut les résumer ainsi:l’arrestation du député Arnel Bélizaire, en dépit de son immunité parlementaire,  a créé plus de sensation et a fait mal au pays tant les institutions sont bafouées, les altercations du président avec la presse, la gestion catastrophique de l’affaire de la multiple citoyenneté du président, les incidents diplomatiques où Martelly s’arroge le droit de prendre position publiquement lors des élections aux îles  des Bahamas et a commis le même impair tout récemment en Floride lors de son dernier séjour médical.

De surcroît, beaucoup doutent des chiffres avoisinant le million d’élèves dont Martelly s’est félicité de scolariser. Certains se demandent combien d’écoles ont été construites pour accueillir ces élèves, d’autres aimeraient que le processus soit plus transparent aux fins d’analyse plus objectives. Il faudrait accepter que même si le FNE (Fonds national d’éducation) a précédé l’arrivée de Martelly au pouvoir et que sous Aristide, beaucoup de lycées furent construits dans les zones rurales, jamais dans l’histoire récente d’Haïti, la cause de l’éducation n’a été si promue par un président.

En effet, Martelly parle plus qu’il n’a accompli les changements promis surtout dans les domaines de son programme politique : Éducation, Environnement, Emploi, État de droit. Peu de progrès sont réalisés, du moins il reste beaucoup à faire pour synchroniser le dire et le faire au cours de ses quatre prochaines années à la tête du pays. Toutefois, le désir de faire une différence dans ce pays bicentenaire et la flamme de faire émerger une nouvelle Haïti reste encore vive.