Outre le blé, le blé dur et l’orge, la Commission canadienne du blé commercialise maintenant aussi le canola. Une initiative qui suscite des réactions chez les agriculteurs.

 

LA LIBERTÉ (PRESSE CANADIENNE)
Comme de nombreux autres agriculteurs, Marc Raffard, basé à Otterburne, prendra le temps de bien étudier le marché avant d’envisager de passer par la Commission canadienne du blé pour la commercialisation de son canola.

Par Angelika ZAPSZALKA

La Commission canadienne du blé (CCB) l’a annoncé le 23 août dernier : dorénavant, elle commercialise aussi le canola. Une décision étonnante puisque c’est la première fois, en 63 ans, que l’organisme ajoute une culture à son mandat. « De nombreux agriculteurs nous ont exprimé leur désir de voir la CCB offrir des comptes de mise en commun pour le canola, explique la porte-parole de la CCB, Maureen Fitzhenry. L’avantage de cette méthode est qu’elle permet de limiter les risques financiers dus aux fluctuations des prix. »

En pratique, ce système prévoit que les agriculteurs ne sont pas payés en fonction des tarifs du jour. Toutes les recettes sont placées dans un compte unique et les agriculteurs reçoivent le prix moyen calculé sur toute la période de commercialisation. « C’est une garantie pour les agriculteurs, avance la porte-parole. Tranquillisés, ils peuvent alors consacrer plus de temps à leurs cultures plutôt que de guetter constamment l’évolution du marché. »

Un démarrage lent

Selon les informations de la CCB, les agriculteurs sont, pour l’instant, peu nombreux à solliciter les services de l’organisme pour la commercialisation de leur récolte de canola. « Nous venons à peine de commencer, note Maureen Fitzhenry. Les fermiers restent très traditionnels dans leur façon d’agir. Il leur faut du temps pour changer leurs habitudes. »

En effet, les agriculteurs ont besoin de temps pour s’ouvrir aux nouvelles réalités du marché, comme l’attestent Marc Raffard, agriculteur à Otterburne ainsi que Richard Lemoing, fermier du côté de Minnedosa. « Il est trop tôt pour se rendre compte de l’intérêt de passer par la CCB », note Marc Raffard. La CCB est experte dans la vente du blé et de l’orge, mais pas du canola. Je suis donc méfiant pour l’instant. Je pense qu’il faudra deux à trois ans à l’organisme pour qu’il fasse ses preuves et gagne ainsi la confiance des agriculteurs. »

Observer avant de se lancer

Les deux hommes reconnais­sent cependant déjà quelques avantages et inconvénients liés à la nouvelle activité de la CCB. « La décision de la CCB apparaît comme un développement positif puisqu’un nouvel agent arrive sur le marché, explique Richard Lemoing. Cela crée de la compétition entre les sociétés qui nous desservent, ce qui est intéressant pour nous, agriculteurs.

« Et puis, la CCB a une réputation internationale très solide depuis longtemps, ce qui est un gage de qualité et d’intégrité, continue-t-il. Quant au système des comptes de mise en commun, il permet de gérer les risques, ce qui n’est pas négligeable. »

L’absence de facilités physiques pour le transport et le stockage des grains apparaît cependant comme un inconvénient majeur pour les fermiers. « Toutes les transactions doivent passer par une compagnie de grains externe, donc par un compétiteur, souligne Richard Lemoing. La CCB sera-t-elle capable d’opérer continuel­lement de cette façon? »

Ainsi, lorsqu’on demande aux agriculteurs s’ils ont l’intention de faire appel à la CCB pour la commercialisation de leur canola, les avis diffèrent. « Pour le moment, il n’est pas avantageux pour moi de passer par elle, soutient Marc Raffard. En effet, elle offre actuellement 640 $ bruts par tonne. Ce tarif comprend 47 $ de frais de transport. Ce qui revient à environ 590 $ nets la tonne de canola. Or, pour le moment, il est possible d’obtenir 630 $ nets auprès d’autres organismes. Soit 40 $ de différence par tonne. »

Quant au fermier de Minnedosa, il envisage des transactions avec la CCB, mais pour une partie seulement de sa récolte. Une façon personnelle de gérer les risques.