Les Canadiens français ont longtemps accouru dans les galas de lutte afin d’y voir performer leurs idoles, qui s’appelaient Maurice « Mag Dog » Vachon, Yvon Robert et Édouard Charpentier. Le monde de la lutte a changé, mais les lutteurs demeurent de réels passionnés.

 

© 2013 La Liberté (Manitoba)
Le Franco-Manitobain Jean Gaultier a créé le lutteur MARIUS, un leader spirituel qui penche du côté des méchants et qui s’illustre sur le ring depuis 2004.

Plusieurs se souviennent des soirées de galas de lutte organisés dans les sous-sols d’églises, alors que Maurice « Mag Dog » Vachon provoquait ses adversaires. Cet univers est toujours vivant au Manitoba, et les lutteurs sont toujours aussi passionnés.

Jean Gaultier est l’un de ces passionnés, qui monte dans l’arène pour personnifier le lutteur MARIUS, dans des évènements qui allient sport et spectacle.

« J’ai toujours été fanatique de lutte. Je ne me souviens pas d’un moment où je ne l’écoutais pas à la télévision, indique Jean Gaultier. Avec Internet, je me suis mis à suivre plusieurs compagnies, pas seulement la World Wrestling Entertainment. »

Il n’en fallait donc pas beaucoup pour le convaincre de faire le saut sur le ring.

« En 2003, nous avons démé­nagé à Winnipeg, raconte celui qui est originaire de Notre-Dame-de-Lourdes. En mars 2004, j’ai commencé à fréquenter une école de lutte et en juin 2004, j’ai fait mes débuts sur le ring.

« Au début, on apprend à bien tomber, pour minimiser les impacts sur le corps, parce qu’il faut se protéger, tout en ayant l’air esthétique et naturel, poursuit Jean Gaultier. Ensuite, on apprend quelques prises de base, comme les clés de bras, clés de tête, et ça devient un peu plus poussé et technique, comme l’utilisation des câbles. »

Mais ceci est la partie technique de l’entraînement, puisque les lutteurs doivent s’assurer de demeurer en forme, parce que la lutte est un sport très exigeant physiquement.

« Dans le ring, ça va très vite, souligne Jean Gautlier. Ça demande un cardio différent, parce qu’il y a beaucoup de stop and go. De plus, il faut être endurant parce que le corps n’est pas fait pour être projeté par terre aussi souvent pendant 10 à 20 minutes. Jusqu’à date, j’ai été chanceux, je n’ai pas eu de blessures majeures, mais il y a toujours des petits bobos ici et là. Ça fait huit ans que je lutte, et je le sens dans mes genoux. »

« C’est la fin du match qui est prédéterminée, mais le match demeure physique, ajoute-t-il. Ce ne sont pas les coups de pieds ou coups de poings qui sont les plus douloureux, c’est lorsqu’on frappe ou tombe sur le matelas, on met tout notre poids sur notre dos pour faire des boum. »

Une passion

Pour Jean Gaultier, la lutte est plus qu’un sport ou un divertissement, il s’agit d’une véritable passion, qui a débuté en voyant les exploits de lutteurs connus.

« Mon idole de jeunesse, c’est Brett Hart, parce que c’est un Canadien et c’est la vedette de ma génération, confie le lutteur. Mais il y en a maintenant plusieurs que je suis, certains pour leurs entrevues, pour leur caractère et ce qu’ils font dans le ring. »

Et cette passion, ne fait que grandir avec le temps, ce qui amène Jean Gaultier à voyager pour pratiquer son sport.

« Dans chaque ville ou territoire, il y a différents promoteurs, dit-il. Par exemple, à Winnipeg, il y en a deux à trois, comme la Steeltown Pro Wrestling, et au Manitoba, il y a presqu’une centaine de lutteurs. Certains travaillent exclusivement pour certains groupes, alors que d’autres luttent pour différentes organisations. »

« Cette année j’ai lutté, entre autres, à Terre-Neuve, en Ontario et en Alberta, continue Jean Gaultier. J’essaie de voyager parce que j’aime les road trips, mais je voyage surtout pour lutter contre de nouveaux lutteurs, pour devenir meilleurs et atteindre leur niveau. »

MARIUS

Mais ne cherchez pas le nom Jean Gaultier sur les affiches faisant la promotion des galas de lutte, c’est plutôt MARIUS que vous trouverez.

« Lorsque je cherchais un nom, je travaillais à Saint-Boniface et je passais sur la rue Marion, alors je cherchais quelque chose avec ce mot-là, note Jean Gaultier. Finalement, j’ai lu Marius dans un livre, je trouvais que ça sonnait bien, en plus ça se dit bien en français. »

MARIUS porte un costume avec une culotte type muay thai, qui ressemble à un kilt, il porte des bottes de cuir traditionnelles chez les lutteurs et il arbore un sigle religieux sur le visage.

« MARIUS est un personnage qui a évolué au cours des années, explique Jean Gaultier. C’est un homme religieux, un leader de culte spirituel, qui est du côté des méchants, alors il fait l’opposé de ce qu’il prêche. Je m’intéresse aux religions et au monde spirituel, alors j’ai décidé de les incorporer dans mon personnage. »

Mais plus encore que l’apparence et la personnalité de chaque lutteur, il y a aussi les prises, qui servent de signature.

« Dans le passé, une de mes prises favorites pour finir un combat était le Peyote Piledriver, (cette prise est aussi appelée la pierre tombale), c’est-à-dire que je suis debout, la tête de mon adversaire entre les jambes et je me laisse tomber sur les genoux, explique Jean Gaultier. J’ai aussi le Flying Leg Drop, (cette prise est aussi appelée descente de la jambe, à partir des câbles du ring) parce que je voulais quelque chose d’un peu plus impressionnant. »

Spectacle

Ce n’est pas pour rien que le lutteur cherchait à être plus spectaculaire. En effet, ce n’est maintenant plus un secret que le gagnant d’un combat de lutte est décidé à l’avance. Les gens assistent donc à un spectacle ou à un théâtre extrême en toute connaissance de cause.

« Avant, les spectateurs étaient convaincus que c’était vrai, des combats éclataient dans la foule et certains attaquaient même le lutteur qui jouait le méchant, raconte Jean Gaultier. Aujourd’hui, les gens acceptent que c’est un spectacle, et comme un film, on sait que ce n’est pas la réalité, mais on accepte de rentrer dans le film. »

Mais un film, tout comme un combat, ça se prépare.

« Mentalement, je pense à ce que je veux faire, parce que nous sommes parfois programmés avec un adversaire pour plusieurs semaines, donc on doit créer et défiler une histoire, comme « il veut ton championnat » ou « il t’a volé ta femme », affirme Jean Gaultier. C’est important aussi parce que le scénario affecte le combat. Selon l’histoire, si un lutteur est enragé après l’autre, il va vouloir lui faire mal, alors il va donner des coups et il va être moins technique. »

Mais pour MARIUS, pas question de trop prévoir le combat.

« Avant, on ne se parlait pas avant le combat. Les bons et les méchants n’étaient même pas dans le même vestiaire et c’était l’arbitre qui faisait les messages entre les deux, pour garder le scénario vrai, relate-t-il. Mais je préfère parler avec l’autre avant, parce le langage corporel est tellement important. S’il manœuvre d’une certaine manière, tu comprends ce qu’il veut faire. Certains planifient tout à l’avance, mais je n’aime pas ce style parce qu’il n’y a pas de place pour la créativité et la spontanéité. »

L’improvisation a donc une place importante aux yeux de Jean Gaultier, parce qu’à la fin du combat, c’est la foule qui le juge.

« On discute à l’avance de la fin du combat, parce que c’est la partie la plus importante, et ensuite on se fait un petit plan de comment on veut s’y rendre, explique-t-il. Il faut toujours garder assez de place pour jouer avec les spectateurs. S’ils ne sont pas intéressés et que nous ne leur donnons pas ce pourquoi ils ont payé, il faut changer. Il faut s’ajuster aux réactions de la foule. »

Par Matthieu TREMBLAY
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