LA LIBERTÉ (PRESSE-MANITOBA) - Blogue Haïti

Dans un élan de mémoire, Haïti se lève ce matin d’un air élégiaque tant 12 janvier est symptomatique de maux centenaires, de problèmes jamais réglés voire jamais adressés. Quelques trois ans après le tremblement de terre, les Haïtiens s’interrogent sur l’avenir d’un pays qui semble, jusqu’à date, réfractaire de tout changement profond. L’exercice interpelle un passé troublant et un présent incertain. Incertitudes politiques, problèmes sociaux criants s’inscrivent dans ce constat d’un État en faillite et d’une nation en quête de son propre projet de société. Par contre jamais l’espoir n’a été aussi vivant, celui d’un avenir possible : l’émergence d’une nouvelle Haïti.

Un tremblement de terre d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter a, en 35 secondes, mis à nu la fragilité d’une économie de survivance et d’un environnement déjà précaire. Dans d’autres pays voisins tels le Chili et plus près en République dominicaine, ces mêmes secousses auraient provoqué moins d’un millier de victimes, tandis qu’en Haïti on comptait au moins 250 000 morts sans oublier les centaines de milliers de victimes qui ont perdu un ou plusieurs membres. Cet évènement, sans précédent, était venu rappeler, à tous qu’après 209 ans d’Indépendance politique, les bases nécessaires à la fondation d’une nation se font encore attendre. Une sensibilisation monstre pour secourir cette île des Caraïbes s’est organisée en quelques jours. Pendant plus de trois mois, Haïti fut un centre de projet humanitaire global tant les citoyens du monde, la technologie et les médias sociaux aidant, ont pu mobiliser leurs efforts, argent et compétences, pour nourrir cet élan humanitaire. Les Haïtiens en furent ravis et ont remercié parfois même avec un sourire hospitalier cette pléiade d’organisations de femmes et d’hommes disant vouloir aider mais qui à bien des égards se sont construits de petites fortunes sans participer à une quelconque reconstruction du pays. Dans le cas d’Haïti, l’effet pervers de l’aide humanitaire, à court terme, et de celle du développement, à long terme, est flagrant.

Les médias à travers le monde, du Courrier International, de The Economist au New York Times, se lèvent pour dénoncer l’inexistence de l’aide promise à Haïti après le tremblement de terre lors de la Conférence des donateurs tenus en mars 2012 à New York. La CIRH, (Conseil International de Reconstruction d’Haïti) co-présidée par l’ancien président américain Bill Clinton et l’ancien premier ministre haïtien d’alors,
M. Jean-Max Bellerive, comme plusieurs l’avaient prévu, n’a pas livré la marchandise. Seulement 50 % des 5,3 milliards dollars promis ont été débloqués et l’État haïtien n’a reçu qu’autour d’un pourcent de cette aide. Majoritairement, cet argent est retourné vers les pays donateurs à travers des firmes internationales allant continuer le cercle vicieux de l’aide internationale. Parallèlement, des organisations non-gouvernementales traditionnelles qui ont collecté des centaines de millions de dollars au nom de la reconstruction et des efforts humanitaires gardent encore 50-60% de ces fonds dans leur coffre. Quand on sait ce qui s’est passé, on reste sur notre soif quant aux causes profondes de ce fiasco flagrant de la gestion de l’aide humanitaire.

Le constat, si triste qu’il soit, est que le mal-développement perdure et l’aide internationale telle que gérée actuellement condamne ce pays, pourtant riche par sa culture et par la qualité de son sol, à endurer la paupérisation « endémique ».

En ce sens, les propos de M. Fantino, Ministre de la Coopération Internationale du Canada, quant au gel de l’aide canadienne à Haïti vu que les résultats sont loin d’être évidents, s’avèrent : « Il est temps que les Haïtiens se prennent en main » est un cliché très en vogue dans les couloirs diplomatiques. Personne ne le contredit.

Toutefois, ce qui indispose plus d’un, c’est la manipulation de l’aide internationale à des fins de contrôle d’un pays du Nord sur celui du Sud. C’est une gestion de l’aide pour réduire l’autre dans l’assistanat perpétuel.