Par Jacqueline BLAY
«Intéressant, convaincu, engagé, intègre, flamboyant, quelqu’un qui avait de la classe et des principes, une forte personnalité, un allié important des Franco-Manitobains », voilà les commentaires de ceux qui ont connu Vaughan Baird, décédé le 17 août dernier. Ce départ est passé presqu’inaperçu, alors que dans les années 1980, son nom était régulièrement prononcé avec celui de Roger Bilodeau, la Société franco-manitobaine (SFM) et d’autres, qui formaient le contexte de la Crise linguistique.
En 1980, lorsque le résidant de Sainte-Agathe, Roger Bilodeau, reçoit une contravention unilingue pour excès de vitesse, il consulte Vaughan Baird qu’il connaît depuis son adolescence. Vaughan Baird est avocat, très au fait des questions constitutionnelles et, notamment, des obligations législatives que la victoire de Georges Forest dans le rétablissement de l’article 23 de la Loi du Manitoba (1870) impose au gouvernement provincial. Ainsi débute une collaboration sans faille, en dépit d’un parcours cahoteux, qui verra le gouvernement provincial négocier avec la SFM un enchâssement constitutionnel et des plans de services bilingues. Ultimement, l’échec des démarches politiques sera retentissant.
Durant cette crise, les croyances politiques conservatrices de Vaughan Baird ne l’empêchent pas de se heurter de plein fouet à Sterling Lyon et de ne pas démordre de ses convictions : le Manitoba est bilingue dans toutes ses dimensions législatives. Selon Roger Bilodeau, Vaughan Baird voyait le dossier se rendre jusqu’à la Cour suprême et les évènements ont prouvé qu’il avait raison. En 1985, la cour indiquera, sans ambages, que la province du Manitoba devait, obligatoirement, imprimer et publier toutes ses lois en français. Dans ce dossier, la plus grande fierté de Vaughan Baird aura été d’obtenir le respect et l’application des droits constitutionnels des Franco-Manitobains et, partant, de tous les Manitobains. En 1989, il se heurtera à un autre conservateur important, Brian Mulroney, et Vaughan Baird refusera le projet fédéral de réforme constitutionnelle, l’Accord du Lac Meech.
Sportif, il a beaucoup contribué à l’avancement de la discipline du plongeon, comme athlète et comme juge dans des compétitions sportives internationales. Bilingue et francophile, fier de ses origines écossaises, il reçoit en 2008 de la St. Andrews Society of Winnipeg le titre de citoyen de l’année. Récipiendaire de l’Ordre du Canada en 1992, membre du Cercle Molière, esthète, il était aussi un grand collectionneur d’art.
Cet « homme du monde », au parcours multiforme, originaire de Saint-Norbert et résidant bien connu de Sainte-Agathe, est salué par ceux qui l’ont côtoyé. Daniel Boucher, ancien adjoint politique du ministre Gérard Lécuyer, se souvient d’un homme engagé et convaincu de la qualité de son dossier : « Avocat bien préparé et respectueux de la démarche du gouvernement provincial », Vaughan Baird voulait éviter ce que l’opposition appelait le chaos; il croyait à la cause ».
Pour sa part, Léo Robert, à l’époque président de la SFM, partenaire de négociations constitutionnelles avec le gouvernement de Howard Pawley, se souvient d’un homme qui ne cherchait pas à placer des obstacles dans le cadre de négociations délicates : « Il estimait que les francophones du Manitoba possédaient des droits acquis sans le savoir ». Vaughan Baird était « un allié important et intègre ».
Dans les années 2000, Jacques Saquet de Sainte-Rose a rencontré Vaughan Baird lors de la très longue impasse entre les parents francophones et la Commission scolaire de Turtle River : « Il était une bouée de sauvetage, à l’écoute de nos besoins qu’il comprenait ». Grâce au travail de Vaughan Baird, les parents et la Division scolaire franco-manitobaine obtiennent plus que des classes portatives, ils reçoivent une école flambant neuve, l’École Jours de Plaine.
Le dernier mot appartient à son ami de plusieurs décennies, Roger Bilodeau, qui mesure sa perte personnelle, mais aussi celle de la communauté de choix et de cœur de Vaughan Baird : « Ça serait bien que l’Histoire puisse se rappeler que dans l’évolution d’une communauté francophone, on peut souvent compter sur des alliés, des amis, qui ne sont pas nécessairement de la communauté, mais qui partagent ses objectifs, sa vision. Selon moi, Vaughan Baird est quelqu’un qui avait vu depuis fort longtemps la place du français, la place du bilinguisme au Canada et au Manitoba, en particulier. Parmi bien d’autres dossiers, bien d’autres causes qu’il a épousées dans sa vie, il a su mettre énergie, temps, effort et soulignons aussi qu’il a même fait des sacrifices [avec cette cause Bilodeau et la crise linguistique], qu’il a subi certains reproches de la part de certaines personnes dans la province. J’oserais même dire que ça a eu un effet sur sa pratique pendant un certain temps. Il a fait sa part et on ne peut qu’être reconnaissant et dire un gros merci. »