Fernand Saurette
Fernand Saurette se dit « choqué » par le fait qu’une mine soit autorisée dans un parc provincial, alors que « c’est un lieu de conservation ».

Fin septembre, la Province a accordé un permis d’exploitation pour une mine de cuivre dans un parc provincial, au nord du Manitoba, provoquant l’ire des écologistes et l’inquiétude des biologistes.

« C’est une nouvelle difficile à encaisser », commente, dans un communiqué, le directeur de campagne de Wilderness Committee, Éric Reder. L’organisation environnementale réagissait à l’annonce d’un projet de mine dans le nord du Manitoba.

Le 24 septembre dernier, le gouvernement provincial a en effet accordé, en toute discrétion, une licence environnementale pour une mine souterraine de cuivre près du lac Reed, dans le parc provincial de Grass River situé à 120 kilomètres à l’Est de Flin Flon. Propriété de l’entreprise Hudbay, cette mine doit entrer en service d’ici la fin de l’année. Elle produira 1 300 tonnes de cuivre par jour pendant cinq ans et devrait créer 88 emplois, selon l’entreprise.

Déjà, Hudbay a agrandi les chemins existants afin de faire passer des camions qui transporteront le minerai dans son centre de traitement à Flin Flon. L’entreprise prévoyait aussi de raser 14 hectares de forêts mais a dû revoir ses ambitions et se limiter à ne couper que sept hectares.

À l’origine, le parc de Grass River avait été créé pour préserver les troupeaux de caribou des bois, une espèce protégée au fédéral comme au provincial, alors qu’elle est inscrite sur la liste des animaux en danger.

« Le caribou des bois est la figure utilisée par les environnementalistes pour alerter le public, mais on ne parle pas des risques qui pèsent sur les poissons, les oiseaux ou encore les plantes », s’indigne le professeur de biologie à l’Université de Saint-Boniface (USB), Fernand Saurette.

Le site se trouve, en effet, au départ d’un bassin versant, lieu propice à l’alevinage des poissons. « Si on tue les poissons qui se reproduisent, ou les œufs, ont tue la relève », note-t-il.

Quel message?

De son côté, une porte-parole de la Province insiste qu’il est « important de noter que l’activité minière existait dans cette zone avant la création du parc. Le site représente moins de 0,006 % de ce dernier ».

« Le Canada a arrêté de creuser des mines dans les parcs nationaux en 1930. Huit décennies plus tard, le Manitoba ne peut toujours pas rejoindre le mouvement? », s’agace Éric Reder.

« La licence accordée contient de nombreuses conditions pour éviter les impacts négatifs sur l’environnement, répond la Province. Ceci inclut des limites d’effluent pour les eaux usées, des exigences dans la gestion du minerai, la surveillance de la qualité de l’eau en aval ainsi que des échantillonnages, la surveillance des effets sur l’environnement, la gestion des déchets solides ou encore une participation active dans la recherche sur les caribous des bois ».

Certes, des études d’impact ont été menées auparavant, mais les retombées secondaires, telles que les gaz à effets de serre relâchés dans l’atmosphère par le passage des camions, semblent ne pas avoir été prises en compte. « Dans l’étude d’impact, on n’en parle pas parce qu’on considère que c’est mineur », indique Fernand Saurette.

Hudbay a, par ailleurs, noté qu’aucune espèce protégée avait été observée lors de deux enquêtes de terrain et en avait conclu qu’il n’y avait pas de risque critique pour la vie sauvage. L’entreprise assure aussi que les travailleurs n’auront pas le droit de chasser et tuer des animaux près du site.

« Quel message envoie-t-on au reste du Canada?, s’interroge Fernand Saurette. Pour moi, on se fiche de créer des nouveaux parcs si on peut exploiter dedans. On crée des frontières qu’on ne respecte pas. »

« Les Manitobains ne veulent pas des parcs industriels. Ils ne veulent pas y trouver de nouveaux chemins ravagés par les engins de chantiers et un désastre toxique. Les Manitobains veulent que nos parcs soit pour la conservation et la gestion de l’eau », conclut, pour sa part, Éric Reder.

 

Par Thibault JOURDAN | TW : @OropherDorthoni