La Liberté ÉDITO

Par Jean-Pierre Dubé

@jeanpierre_dube

La Liberté du 12 mars 2014

En situation de dilemme moral, les chrétiens avaient l’habitude d’en sortir en se posant la question : que ferait Jésus? Parmi ce groupe, il y en a de plus fortunés. Depuis un an, les catholiques ont une nouvelle question pour la sortie de crise morale : que ferait le pape?

Le premier ministre Stephen Harper n’a pas le luxe de la récente formule, son église est protestante, la Christian & Missionary Alliance. Mais le ministre de la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, est catholique. Et il est fort possible qu’il se pose la question du jour.

Cinq semaines après avoir déposé le projet de Loi sur l’intégrité des élections et après avoir tenté de charrier le processus d’adoption en plein milieu des Jeux olympiques, le ministre a commencé à reculer. Devant une levée de boucliers, Pierre Poilievre s’est montré ouvert à clarifier des mesures visant, semble-t-il, à museler le directeur général des élections (DGE)

Le gouvernement est prêt à amender le projet de loi pour garantir l’autonomie du DGE. On entend énoncer clairement le droit de l’officier du Parlement de s’exprimer ouvertement, de produire des rapports et de témoigner. Mais Pierre Poilievre refuse de céder sur l’article privant Élections Canada de son rôle de promouvoir la responsabilité électorale des citoyens. Il préfère en laisser la charge aux candidats partisans.

Cet article du projet est largement perçu comme un refus du gouvernement de s’attaquer à la baisse de la participation électorale. Le taux est en déclin depuis plus d’une décennie, et s’est soldé à 61 % lors des élections de 2011.

Un autre article du projet va dans le même sens. Il s’agit de l’élimination du droit de se porter garant d’un électeur sans identification appropriée. La manœuvre réduirait de plusieurs dizaines de milliers le nombre de votes aux prochains scrutins.

Le ministre continue à entretenir un mythe sur l’ampleur de la fraude électorale générée par cette pratique. Mais aucune preuve n’existe. La critique de l’Opposition aux Communes et du DGE est d’autant plus sévère que la population affectée serait parmi les plus vulnérables.

Il n’échappe à personne que les pratiques frauduleuses ont tendance à se produire par les machines électorales. On attend encore le résultat d’une enquête du commissaire aux élections sur les appels robotisés des conservateurs lors du scrutin de 2011.

La nouvelle loi verra ce commissaire passer de l’autorité du DGE à celle du directeur des poursuites pénales du ministère de la Justice. C’est une telle perte d’autonomie qu’on s’approche de l’inutilité du poste.

Le processus d’adoption pose une troisième menace à l’exercice du droit de vote. En pressant la Chambre à voter rapidement, le gouvernement nourrit au sein de la population un cynisme déjà profond quant aux véritables intentions de la majorité conservatrice. On peut avoir l’impression que toutes ces mesures visent à renforcer son avantage électoral.

C’est un bon temps pour s’inspirer du pape démocratique. Pierre Poilievre devrait mettre de l’eau dans son vin. Des audiences publiques à grande échelle aideraient à générer des commentaires pour améliorer la loi. Un débat national serait avant tout l’occasion idéale pour informer et engager la participation citoyenne avant les élections.

Cette administration est-elle capable de faire un bain de foule?