Par Bernard BOCQUEL
L’ édition 1973 du Petit Robert ne connaît pas « francophonie ». Pas surprenant, puisque c’est vraiment à partir des années 1980 que le mot commence à entrer dans les consciences à l’échelle mondiale. Le concept est né de la volonté de dirigeants de pays francophones décidés à faire barrage à la montée en puissance de l’anglais.
Une manière simple d’illustrer la popularisation de l’idée de la Francophonie c’est de suivre à la trace l’évolution de la structure mise sur pied à la fin des années 1960 pour permettre à des élus de différents pays de se rencontrer. Entre 1967 et 1989, les politiciens francophones d’une cinquantaine de pays se rencontraient sous l’égide de l’Association internationale des parlementaires de langue française. Entre 1989 et 1998, ils se réunissaient au sein de l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française. Depuis 1998, ils se retrouvent dans l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
Le premier Sommet de la Francophonie s’est tenu en France en 1986. L’Organisation internationale de la Francophonie, dont la Canadienne Michaëlle Jean est actuellement la secrétaire générale, n’était en 1996 que l’Agence de la Francophonie. Les changements de vocabulaire illustrent bien la volonté de pérenniser les institutions qui se réclament de la Francophonie.
Les dictionnaires de langue n’étant pas des journaux, le concept de « Francophonie » apparaît dans la « Nouvelle Édition du Petit Robert » publiée en 1993. En écho aux nouvelles réalités, l’article « francophone » a été remanié. Dorénavant, le francophone est celui qui « parle habituellement le français, au moins dans certaines circonstances de la communication, comme langue première ou langue seconde. » Le Petit Robert introduit une subtilité prometteuse dans l’édition 2013. Le francophone n’est plus celui « qui parle habituellement », mais celui « qui emploie habituellement le français ».
C’est dans ce contexte d’élargissement de la notion de francophone et de la consolidation de l’existence internationale de la Francophonie que les députés manitobains ont prouvé le 30 juin 2016 qu’ils pouvaient agir en citoyens du monde. Puisqu’ils ont adopté ce jour-là à l’unanimité la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine.
La francophonie manitobaine étant comprise comme « les personnes de langue maternelle française et les personnes qui possèdent une affinité spéciale avec le français et s’en servent couramment dans la vie quotidienne, même s’il ne s’agit pas de leur langue maternelle ». Il y a certainement dans cette avancée politique matière à enrichir la définition fournie par le Petit Robert.
Le comité de refonte de la SFM (1) était donc en cohérence avec l’esprit d’ouverture à l’oeuvre en proposant au printemps dernier de transformer la « Société franco-manitobaine » de 1968 en « Société de la francophonie manitobaine ».
Fruit de ses réflexions, le premier Forum de la francophonie manitobaine se déroulera mardi 26 septembre. Sa raison d’être est de contribuer « dans un esprit de participation active », à assurer une charpente plus élaborée à la francophonie manitobaine. En l’occurrence un conseil d’administration de 21 personnes, dont la première version verra le jour à l’Assemblée générale annuelle de la SFM le 12 octobre.
Il ressort en substance de cette réorientation structurelle le souci de davantage impliquer les forces organisationnelles au projet collectif. L’expérience vaut d’être tentée. En ne perdant toutefois surtout pas de vue que dans sa conception manitobaine, la Francophonie est cette idée fondée sur des espaces francophones dont l’existence permet de rester ou de devenir des bilingues fonctionnels.
En effet, le modèle manitobain de la Francophonie n’existe pas en opposition à l’anglais ou pour freiner son influence. Il existe pour mieux souder la société manitobaine.
(1) Pour mémoire, les cinq membres de ce comité étaient : Raymond Lafond (président), Mona Audet, Diane Leclercq, Raymond Hébert, Ben Maréga.