De mère en fille, la pièce qui ouvre la saison du Théâtre Cercle Molière du 12 au 28 octobre (1), est une oeuvre particulière à plus d’un titre.En se penchant sur la placedes femmes dans la société au fil des générations, elle cherche à faire vibrer chez le public des fragments de son histoire personnelle.
Par Barbara GORRAND
C’ est un recueil de prières qui a tout déclenché. Un petit livre aux pages que l’on devine jaunies par les ans, que l’auteure Diane Lavoie a retrouvé dans les effets de sa grand-mère. Une porte ouverte sur le passé, qui a poussé l’auteure à s’interroger sur la place des femmes dans la société. La société d’hier, celle d’aujourd’hui, et celle qui suivra. De cette réflexion, Diane Lavoie a tiré un texte, ses premiers pas en dramaturgie, qu’elle a envoyé au Cercle Molière en juin 2016.
Une démarche suffisamment rare pour piquer la curiosité de Geneviève Pelletier, la directrice artistique et générale du Cercle Molière. Qui, lorsqu’elle finira par lire la pièce, décidera à son tour de bousculer ses habitudes : « D’ordinaire, j’aime prendre mon temps, m’imprégner d’un texte pendant quelques années avant de le mettre en scène. Mais là, j’ai eu envie de le faire vivre rapidement. »
Dès sa lecture, Geneviève Pelletier est entrée en résonnance avec la pièce. Car derrière l’histoire croisée de Lucille, de sa fille Suzanne, et de sa petite-fille Élise, en toile de fond de cette introspection inter générationnelle, c’est finalement le portrait de la femme blanche nord-américaine sur le territoire canadien qui se dessine. Qu’elle soit conditionnée par le carcan religieux, par le rôle que la société lui affecte, ou par les pressions modernes d’un monde régi par les applications de rencontres, la femme, qu’elle ait 76 ou 19 ans, continue de chercher sa juste place. « C’est un spectacle qui parle de femmes, et qui parle aux femmes. C’est une histoire assez universelle sur laquelle le public va pouvoir projeter ses propres questionnements, être poussé dans sa nostalgie, voir naître ses craintes aussi. La pièce frôle l’interaction, puisque, chose assez rare pour le Cercle, nous l’avons conçue comme une adresse au public. Les comédiennes le prennent directement à témoin sous forme de monologues. »
Ces comédiennes, que Geneviève Pelletier appelle avec tendresse ses « dames », n’ont pas été choisies au hasard. Dans le rôle de la grand-mère, la metteuse en scène a fait appel à Jacqueline Hogarth-Glen, doyenne du Cercle, où elle est montée sur les planches en 1969, et dont elle a toujours admiré le travail. Micheline Girardin, dans celui de Suzanne, et Janique Freynet-Gagné, qui signe ici sa première participation au Cercle, dans celui d’Élise, complètent la distribution. « Sur scène, cela donne une construction fascinante. Car en réalité, la seule direction de comédiennes ici, elle est à trouver dans la justesse de la présence sur scène. Ce n’est pas du “jeu” d’actrice, mais du “je”. Cette pièce, c’est un bout de l’histoire de tout le monde. »
Oh, que le public se rassure, les hommes sont bien présents. « Seulement, ils sont en arrièreplan. Presque effacés. Après tout, les femmes aussi sont porteuses d’une parole universelle. Il est bon de l’écouter! » Un discours volontairement féministe que Geneviève Pelletier a tenu à souligner dans les actes. Mettant sur pied en quelques mois un programme de mentorat avec l’École nationale de théâtre du Canada à Montréal, qui a permis à Ariane Jean, Janelle Tougas, Ainza Bellefeuille et Lili Lavack de se former respectivement au son, aux décors, à l’éclairage et aux costumes. Cette équipe en coulisses est complétée par Lise McMillan à la chorégraphie et Michelle Lagassé à la régie.
« C’est bien simple : tout ce que vous allez voir a été pensé, écrit et créé par des femmes! »
(1) De mère en fille, du 12 au 28 octobre au Théâtre Cercle Molière, 340 boulevard Provencher. Billets disponibles au www.cerclemoliere.com ou au 204- 233-8053.