Véganisme, n.m : Mode de vie dans lequel l’individu refuse de manger tout ce qui provient d’un animal (viande, oeufs, gélatine, etc.) et qui s’interdit tout produit utilisant les animaux (vêtement, cosmétique). Parfois appelé “végétalisme intégral”.
Comment vit-on au quotidien, quand on a choisi d’éviter au maximum de contribuer à toute souffrance animale?
Par Valentin CUEFF
Sarah Gagné, la nouvelle
En septembre 2017, elle s’est lancée. Sarah Gagné a annoncé à son entourage son souhait de devenir végane. « Dans ma famille, la nourriture a toujours été quelque chose d’important. Se retrouver, partager un gros repas… et la viande en fait partie. Mon père trouve dure ma décision. Pour lui, c’est comme si je reniais un peu le passé. Mais ce n’est pas le cas. »
Depuis quelque temps déjà, le véganisme l’attirait. Avec des amis convertis à la cause, elle discutait de l’exploitation des animaux et de l’impact environnemental, et admirait leur conviction. « Pour eux, c’était devenu une certitude : c’est noir ou blanc. Ils ne pourraient pas revenir à un autre régime alimentaire. »
Et puis, il y a eu la découverte des plats : manger végan, ça ne voulait pas dire sacrifier le plaisir de manger. « Avec une amie, on a fait des repas végétaliens. J’ai vu que c’était possible de faire de très bons plats et qui donnent envie. »
De la curiosité, Sarah Gagné a franchi le pas. Le déclic? Deux documentaires sur Netflix, Cowspiracy et What the health. Pour elle, c’est une prise de conscience d’une réalité cachée sur notre façon de consommer.
« J’ai l’impression de prendre le contrôle. On m’a toujours dit que la viande était nécessaire pour vivre. Ce n’est pas vrai. »
Sarah Gagné
« Le véganisme correspond à mes valeurs. Et je pense que c’est important de passer ce message. Je suis convaincue qu’on est mal informé. Mais comment faire pour changer une habitude tellement ancrée en nous? »
C’est aussi pour la Québécoise une forme de prise de pouvoir sur sa vie. « J’ai l’impression de prendre le contrôle. On m’a toujours dit que la viande était nécessaire pour vivre. Ce n’est pas vrai. »
En phase de transition vers le régime vert, Sarah Gagné trouve des recettes en ligne. Elle mange beaucoup de tofu. Si elle admet que le fromage et les fruits de mer lui manquent, le plus gros défi dans sa nouvelle vie de végane n’est pas dans son assiette : « Assumer pleinement et l’expliquer aux gens qui sont réticents, c’est pas évident. Je ne sais pas par où commencer. Je me dis qu’il faut je sois efficace dans mes réponses, que je connaisse très bien ma cause.
« Je m’assume. Mais, d’un autre côté, je me sens obligée de me justifier. Forcément : j’ai aussi envie que d’autres personnes prennent conscience de notre impact. »
Maria Nyarku, l’ex
Pour Maria Nyarku, le changement est aussi venu d’un documentaire, appelé Vegucated. Durant l’été 2015, elle fait le grand saut : la nourriture d’origine animale, c’était fini. « Le traitement des animaux m’a vraiment frappée. Je ne savais pas si je pouvais devenir végétalienne, mais je voulais essayer. »
Là encore, le défi ne tenait pas au fait de bousculer ses habitudes alimentaires. C’était plutôt de s’adapter en société : « Mes amis me soutenaient. Ils cherchaient des restaurants où je pourrais trouver des repas végans. C’était difficile, parce que le choix était limité. Parfois, je ne prenais qu’une salade, ou des frites. Quand les autres personnes mangent de beaux plats, c’est difficile. »
Pour autant, pas de faiblesse en vue. « Je suis tombée amoureuse du tofu. J’utilisais plein de produits à base de soja. Ça m’a sauvée. Je n’aurais pas pu être végane sans ces choses-là. »
Dans son entourage, ce nouveau départ est plutôt bien accueilli. « Je crois que l’une des raisons pour laquelle mes amis me soutenaient autant, c’est que je n’étais pas une végétalienne qui tentait toujours de convaincre ou convertir les autres. Je sais que beaucoup de personnes ont rencontré des végétaliens qui sont plus militants. Et ça leur donne une mauvaise impression du véganisme. »
Mais au printemps 2017, tenir le régime végétalien est devenu difficile. « La première raison, c’est que je m’inquiétais un peu pour ma santé. Je sentais que mes cheveux devenaient plus fins. Je me demandais si j’avais besoin de plus de fer. À ce moment-là, j’ai décidé que j’allais manger, de temps en temps, du foie organique, provenant d’un animal qui avait été bien traité. »
« l’une des raisons pour laquelle mes amis me soutenaient autant, c’est que je n’étais pas une végétalienne qui tentait toujours de convaincre ou convertir les autres. »
Maria Nyarku
Une première transgression, suivie par d’autres. « À cette époque, mon père est tombé malade. Il avait un cancer du pancréas. Après son opération, il devait manger progressivement de la nourriture solide. Quand je lui rendais visite, je cuisinais pour lui. Ou bien nous allions au restaurant. Mais il n’est pas végétarien. Parfois, il commandait un plat, mais ne pouvait en manger qu’un peu. Alors j’en mangeais aussi. »
D’exception en exception, Maria Nyarku a fini par admettre qu’elle n’était plus végétalienne. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à faire attention à ce qu’elle consomme.
« Ça m’a ouvert les yeux sur les différentes façons de s’alimenter. On peut vraiment bien se nourrir et apprécier de manger sans consommer de produits issus des animaux.
« C’est possible que j’y revienne un jour. Je ne suis pas très fière d’avoir arrêté, parce que ma conscience n’a pas changé. J’aimerais toujours manger moins de produits issus des animaux. Mais je suis moins dévouée, malheureusement. »
Céline Land, l’ancienne
Céline Land est une vétérane du véganisme. Les produits d’origine animale, elle n’y a pas touché depuis 2004. En réalité, sa vocation remonte à plus loin. « J’ai toujours aimé les animaux. Je ne voulais pas en manger, mais je n’avais pas l’éducation à cette époque. C’était plus pour des raisons de compassion. Ça a toujours été pour des raisons de compassion.
« En août 2004, je voulais faire la transition pour devenir végane. J’ai commencé à lire des ouvrages sur le sujet. Un jour, j’ai appris aux informations l’histoire d’un chat appelé Kensington, qui est mort sous les coups d’un homme à Toronto (1). Je suis devenue végane le lendemain. »
Déjà végétarienne à l’époque, elle s’est bien documentée : « Je dirais que le plus gros défi était d’obtenir le bon apport nutritionnel dans ce que je mangeais. J’ai beaucoup lu, pour connaître mes besoins. Durant la première année, je lisais toutes les étiquettes. C’était parfois difficile de cuisiner, de trouver des recettes. »
Quand elle en parlait autour d’elle, les gens lui disaient que c’était une phase et que ça lui passerait.
« Avec le recul, 13 ans plus tard, je sais que c’est le dévouement d’une vie. Quand vous l’avez vu, vous ne pouvez plus ne plus le voir. Je ne pourrai pas revenir en arrière. Quand je vois un morceau de viande, je pense à mon chat. Et je ne mangerais pas mon chat. »
« Durant la première année, je lisais toutes les étiquettes. C’était parfois difficile de cuisiner, de trouver des recettes. »
Céline Land
Céline Land ajoute qu’être végane, ça n’est pas juste changer ce qui passe par notre fourchette. « C’est un changement de mode de vie. Pour moi, ça voulait dire : donner mes bottes en cuir, m’assurer que les produits que j’utilise n’ont pas été testés sur des animaux, que mes vêtements ne contiennent pas de fourrure… Je pense que les végans essaient d’être aussi compatissants que possible, dans tous les aspects de leur vie. »
Sa façon de vivre, elle a choisi de la transmettre à son enfant, Félix, âgé de cinq ans. « Il est en bonne santé, rarement malade. Il n’est pas trop petit, trop grand ou autre. C’est un enfant heureux et normal. »
Et si Félix décide un jour de changer de régime alimentaire? « Ce sera toujours son choix. Quand il était bébé, j’ai pris la décision pour lui, basée sur ce que je pensais être le mieux. Maintenant qu’il est plus âgé, il est conscient de ce qu’est le véganisme et qu’on mange de cette façon pour aider à mettre fin à la souffrance des animaux. Il est sa propre personne, alors je respecterai et soutiendrai toujours ses choix personnels. »
Aujourd’hui, elle dit produire 95 % de sa propre nourriture et acheter beaucoup en gros. Une façon d’alléger l’impact financier de ce mode de vie. « Financièrement, je peux voir de quelle façon ça peut être difficile pour les gens. On oublie parfois que le véganisme peut être un privilège, parce que tout le monde n’a pas les moyens d’acheter en gros. »
Céline Land apprécie de voir que le mouvement auquel elle adhère prend de l’ampleur. « Certaines personnes le font pour des raisons de santé et pour se donner un meilleur régime. Dans tous les cas, ça aide la cause animale et ça diminue l’impact sur l’environ nement. Donc le fait qu’il y ait plus de livres et de documentaires qui traitent du sujet est très bien. Même si les gens ne tentent l’expérience que pour quelques jours ou quelques semaines, ça fait une différence. »
(1) En 2004, Jesse Power présentait au Festival international du film de Toronto un documentaire appelé Casuistry: The Art (sic) of Killing a Cat, dans lequel il torturait et tuait un chat, avec deux de ses amis.