En 2010, la famille de Julien Ferrer, un jeune Français atteint d’hypophosphatasie, une maladie rare, arrivait à Winnipeg pour participer au premier essai clinique d’un traitement potentiel. Huit ans après sa première injection, quasiment jour pour jour, Julien, 15 ans, peut désormais envisager l’avenir plus sereinement : le Manitoba, berceau de cette incroyable avancée médicale, vient d’autoriser, le 8 février, la prise en charge de cette thérapie.
Par Barbara GORRAND
De leurs années passées dans le sud de la France, Mélanie et John Ferrer ont gardé ce soleil qui réchauffe leurs voix. Un amour intact pour le rugby, au royaume du football. Et un vieil album un peu poussiéreux, rempli de coupures de presse jaunies par le temps.
Cet album photo n’est pas comme tous les autres. Vous n’y trouverez pas de photos de maternité, des premiers pas, et de toute cette somme de souvenirs que les parents regardent, attendris.
« Je n’aime pas trop l’ouvrir. C’est tellement douloureux », confie Mélanie Ferrer.
Parce que cet album, c’est celui d’un combat. Dans lequel ils se sont engagés il y a 15 ans à Perpignan, à la naissance de leur premier enfant, Julien. Qui ne mangeait pas, ne grandissait pas, et semblait souffrir en permanence.
Il faudra des mois de tests et d’incertitudes avant que la nouvelle ne tombe, « par simple courrier, un samedi », se souvient Mélanie : Julien souffre d’hypophosphatasie. « On avait une maladie, mais pas d’explication, pas de soutien. Alors on a fait ce qu’il y a de pire à faire dans ces cas-là, on a regardé sur Internet. On a vu qu’il n’y avait pas de traitement, peu d’études, et que la maladie était mortelle ».
Pire, ajoute John Ferrer : « Au début de nos recherches, les statistiques mondiales ne recensaient que deux autres malades qui avaient survécu à la forme la plus sévère de la maladie; Julien était le troisième… »
Abattus, Mélanie et John traversent les mois suivants en plein cauchemar. Il faudra tout l’amour de leurs proches pour qu’ils commencent à relever la tête. « Et Julien aussi. Parce qu’il a toujours été tellement combatif! Alors on s’est dit, soit on baisse les bras et on le regarde mourir, soit on se bat pour lui offrir la meilleure vie possible. »
C’est cette bataille contre la fatalité que raconte le vieil album de Mélanie et John. La création d’une association. La récolte de fonds. La mobilisation de ces centaines d’anonymes, les soutiens des artistes, des sportifs, les galas organisés, les tournois sportifs préparés.
« En parallèle, on mobilisait la communauté médicale. Pour qu’ils aient toujours Julien en tête. Et pour ça, la chance nous a enfin souri quand on nous a conseillé un pédiatre, près de chez nous, qui a décidé de tout faire pour aider Julien : Thomas Budniok. Lui, il a fait de notre combat, son combat. »
C’est d’ailleurs alors qu’il était à Paris en compagnie du Dr Budniok pour un congrès médical que John apprend la nouvelle : Julien est choisi pour intégrer le premier essai clinique d’un traitement expérimental, à Winnipeg, au Canada. Et ce qui ne devait être qu’une parenthèse médicale de sept mois est finalement devenu un choix de vie pour toute la famille.
Les pages de l’album de souvenirs prennent dès lors une toute autre dimension. Les sourires y sont plus présents, et au fil des mois, Julien y apparaît debout. Faisant du patin à glace. Allant à un match des Moose. Devenant la mascotte de la ligue d’improvisation du secondaire (LISTE). Vivant une vie normale, ou presque.
Une vie dont l’horizon s’est encore éclairé lorsque la Province du Manitoba a inscrit le traitement sur la liste des médicaments remboursés (1).
Pour Mélanie et John, c’est un immense soulagement. Mais pas uniquement : « On est très fiers de notre fils. Parce que tout ça, c’est grâce à Julien et aux deux autres enfants qui ont participé à ce premier essai clinique. C’est grâce à eux que plus aucun bébé ne va mourir de cette maladie. On s’est battus pour Julien, et c’est lui qui s’est battu pour des centaines d’autres. C’est une grande victoire. »
Bien sûr, le combat n’est pas terminé. Julien sera toujours plus petit que les autres, il souffre parfois de fractures de fatigue, les stigmates de sa maladie sont encore visibles. Mais aujourd’hui, Julien a 15 ans. Une phrase que personne n’aurait jamais cru pouvoir un jour prononcer.
(1) Le gouvernement du Canada a approuvé la commercialisation du traitement en décembre dernier. Les négociations quant aux modalités de remboursement se font ensuite, province par province. En France, le médicament est pris en charge depuis le mois de janvier 2018. Au Manitoba, depuis le 8 février dernier.