Par Bernard BOCQUEL
Comment convaincre de l’importance de l’existence de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba? Pourquoi d’ailleurs la question s’impose-t-elle? Parce que contrairement à une certaine idée reçue, la doyenne des organisations francophones n’est pas juste une affaire pour les Métis, en marge de la francophonie. Au contraire, l’Union nationale métisse constitue le coeur de l’aventure bilingue au Manitoba. (1)
Pour s’en pénétrer, il faut comprendre que l’organisation, fondée en 1887, représente la légitimité historique du fait français au Manitoba. Une légitimité qui a été acquise par les Métis canadiens-français de la Colonie de la Rivière-Rouge en imposant la création du Manitoba à Ottawa.
Parmi les droits que le premier ministre John A. Macdonald a dû concéder, il y avait des droits linguistiques, contenus dans l’article 23 de la Loi sur le Manitoba. Cet article place le français et l’anglais sur un pied d’égalité juridique. Il garantit qu’il n’existe aucun lien entre le nombre de parlants français et la légitimité du français. Ceux encore tentés d’établir un lien feraient bien de garder à l’esprit qu’une loi manitobaine doit être adoptée simultanément en français et en anglais pour être valide.
Cette vérité constitutionnelle est en soi une raison suffisante pour saisir que tous les francophones du Manitoba ont intérêt à ce que l’Union nationale métisse puisse rayonner avec force. Pour que tous les Manitobaines et Manitobains finissent par prendre conscience que la langue française est d’ici, au même titre que la langue anglaise. Dans cette perspective, la voix des Métis canadiens-français avait fait cruellement défaut dans les années 1960, lorsque les anti-bilinguisme faisaient passer le français dans l’Ouest pour une langue étrangère. Et encore plus au début des années 1980, au moment de la terrible crise sur la constitutionnalisation avortée de services gouvernementaux provinciaux.
Pourquoi l’Union nationale métisse n’avait-elle pas pris la parole dans ces temps de crise, alors que sa légitimité historique était indiscutable? Tout simplement parce que dans ces années-là, les francophones qui revendiquaient ouvertement leur identité métisse étaient rares. L’Union n’était alors plus qu’un club social qui tâchait tant bien que mal de transmettre à la jeunesse une fierté pour une culture.
Les temps ont changé. La question métisse, tout comme la question autochtone en général, sont maintenant des préoccupations incontournables de la société canadienne. L’Union nationale métisse aussi a changé. Grâce au leadership de Gabriel Dufault, à partir du début des années 2000 le club social s’est métamorphosé en une organisation forte de centaines de membres, dont quelques uns sont très actifs, car très conscients du rôle culturel que l’Union doit jouer.
Dans un monde – notre monde – où depuis si longtemps la nécessité de s’affirmer est au coeur de l’existence, rien n’est plus politique que la culture. C’est de son dynamisme que dépendent les volontés d’agir sur la société dans son ensemble. Mais les volontés finissent toujours par être tributaires de moyens financiers. La renaissance de l’Union nationale métisse sous Gabriel Dufault s’explique en bonne partie par des subventions fédérales obtenues pour des projets spécifiques.
Toutefois, la puissance de rayonnement de l’Union dépend surtout de l’engagement de bénévoles. Malgré diverses tentatives, réitérées sous la présidence de Paulette Duguay, l’organisation n’a pas réussi à obtenir un financement opérationnel. En clair, la présidente a pour bureau sa table de cuisine et ne peut pas s’appuyer sur un employé à temps plein. Pour Ottawa, seule compte la Manitoba Metis Federation, pour qui la langue est une question secondaire.
Mais il est de l’intérêt de la francophonie manitobaine que l’Union nationale métisse, tout spécialement à cause de son extraordinaire poids symbolique, dispose des moyens pratiques de se faire entendre. La cause de l’Union est notre cause, celle de la francophonie manitobaine.
(1) L’article sur l’aga de l’Union nationale métisse du 8 mars est en page 31.