Par Bernard BOCQUEL
Il faut être conscient des luttes scolaires menées pendant les années 1970 et 1980 par quelques poignées de parents super motivés pour mesurer l’énormité que représente la récente évolution du droit de vote aux élections à la Commission scolaire franco-manitobaine (CSFM). (1)
En 1994, lors des toutes premières élections à la CSFM, seuls les parents qui avaient des enfants dans la toute nouvelle Division scolaire franco-manitobaine avaient le droit de voter pour élire des parents commissaires d’écoles chargés de gérer les écoles francophones. En 2010, le droit de vote a été élargi, mais essentiellement on restait en vase clos. Au point où les grands-parents restaient exclus.
Ce printemps la Province a accepté le vaste élargissement du droit de vote demandé par la CSFM. Le 24 octobre 2018, les Manitobains francophones pourront dorénavant voter. Une ouverture qui inclut les immigrants qui ont la citoyenneté canadienne et les francophones adultes qui n’ont pas eu d’enfants, comme ces religieuses qui ont consacré leur vie à transmettre la langue française.
Le fait qu’il aura fallu presque un quart de siècle pour acter cette quasi-révolution montre bien à quel point les luttes scolaires ont été épiques. À quel point aussi elles ont longtemps laissé des traces douloureuses dans certains esprits. Car les batailles ne mettaient pas juste en scène parents combatifs et commissaires d’écoles rétifs à l’école en français. Les guerres intestines ont été légion.
Les plaies étaient si vives que le groupe de parents qui a obtenu de la Province une DSFM à l’échelle provinciale n’aurait à aucun prix toléré d’autres électeurs que les parents. Le mot d’ordre était aussi simple qu’inflexible : Il faut que ça soit le système des parents. Quitte, avec le recul des années, à volontiers reconnaître que cette posture était ultra défensive, mais posture contre laquelle aucune voix ne s’était élevée.
Les parents étaient si déterminés à faire prévaloir leur légitimité que la Fédération provinciale des comités de parents se voyait dans la position de donner –voire de dicter- aux commissaires de la CSFM la marche à suivre. Sans entrer dans le détail des embrouilles et des jeux de pouvoir, les responsables de la DSFM ont fini par asseoir leur propre autorité : les employés chargés de l’éducation des enfants (parfois parents eux-mêmes) s’avéraient les mieux placés pour veiller à la meilleure éducation possible des jeunes.
Une fois ce renversement de perspective acquis, les parents impliqués avec la Fédération ont dû clarifier leur raison d’être. La piste de s’occuper activement du préscolaire, pour ainsi dire de la pré-entrée dans la DSFM, avait été suggérée par certaines voix dès 1994. Largement en vain. Offrir un solide appui à la DSFM dans ce domaine vital tombe heureusement toujours plus sous le sens. Mais ce n’est pas assez.
La réalité manitobaine fait que la Fédération des parents doit absolument revenir à un rôle politique, un rôle de chien de garde. Pour opérer au plus efficace, la DSFM a besoin de parents engagés et revendicateurs.
Prenons à titre d’exemple la nouvelle école du nouveau quartier de Sage Creek dans le Sud-Est de Winnipeg. La décision est revenue à la seule commission scolaire Louis Riel. Or la DSFM devrait avoir la même évidente légitimité sur le territoire. Clairement un débat est nécessaire, au nom de l’équité des jeunes ayants droit qui habitent Sage Creek.
Maintenant que l’ouverture aux élections à la CSFM n’inquiète plus personne, il est clair et il est grand temps que les parents renouent avec leur mission historique : se battre pour la création d’écoles francophones afin de renforcer la légitimité politique de la DSFM.
(1) Voir La Liberté du 2 au 8 mai 2018, page 7.