Il ne fait aucun doute que la révision du guide alimentaire et les nouvelles politiques en matière d’étiquetage nutritionnel amélioreront la santé de la population.
Texte d’opinion par Mary L’ABBÉ
Après un long processus, la mise à jour du Guide alimentaire canadien et la réforme de l’étiquetage nutritionnel sont sur le point de devenir réalité. Les propositions mises de l’avant par Santé Canada ont fait l’objet de consultations publiques et, comme on devait s’y attendre malheureusement, de pressions exercées par l’industrie.
Nous avons tous le droit de nous exprimer sur les politiques, cependant nous devons nous assurer que les décisions prises par nos gouvernements sont fondées sur des preuves scientifiques impartiales, et non sur le pouvoir de persuasion de l’industrie des aliments transformés et les moyens dont elle dispose.
Les conflits d’intérêts et les interventions de l’industrie doivent être mis au grand jour, et nous devons les empêcher d’influencer les décisions de santé publique. Après tout, le but de ces politiques n’est pas d’imposer une façon de s’alimenter, mais bien de faciliter les choix éclairés qui améliorent la santé.
Le guide alimentaire ne s’adresse pas seulement à monsieur et madame Tout-le-monde : il sert aussi de référence aux programmes alimentaires des écoles et à une foule d’autres établissements, comme les garderies, les hôpitaux, les foyers pour personnes âgées et les prisons. C’est un outil éducatif sans pareil pour améliorer la santé de la population.
Les exigences en matière d’emballage sont importantes et influencent les choix alimentaires, comme le montrent de nombreuses études. Malheureusement, celle que j’ai menée l’année dernière montre que l’emballage des aliments cache encore certaines choses aux consommateurs.
Nous avons constaté que 85 % des produits qui se vantent d’avoir une teneur réduite en sucre en contenaient tout de même une quantité excessive. La plupart des produits qui indiquent ne contenir aucun sucre ajouté ou avoir une teneur réduite en sucre ne contenaient pas moins de calories, même si, selon nos travaux, la plupart des consommateurs s’attendent à une teneur réduite en calories en lisant de telles affirmations.
Ce n’est pas un hasard si l’industrie alimentaire investit autant dans ses emballages. L’information qu’exige le gouvernement – notamment le tableau de valeur nutritive, son contenu et l’endroit où il doit figurer – influence directement notre alimentation.
L’instauration de mises en garde claires et hautement visibles sur le devant des emballages de produits à teneur élevée en gras saturés, en sodium ou en sucre est pleine de bon sens et saura informer les consommateurs, qui seront ainsi mieux outillés pour faire des choix sains.
L’importance capitale des retombées à long terme de ces mesures justifie tout à fait le processus adopté par le gouvernement fédéral. D’ailleurs, une lettre signée par 26 experts en nutrition a récemment été envoyée à Santé Canada, soulignant que les données scientifiques démontrent clairement qu’une consommation excessive d’aliments et de boissons à forte teneur en calories, en sucre ajouté, en sodium et en gras saturés est néfaste pour la santé.
Des millions de nos concitoyens vivent avec une maladie liée à l’alimentation, ce qui entraîne des dépenses s’élevant à 26 milliards $ par année, sans compter que ces maladies ont causé 47 000 morts en 2016 et que près d’un enfant sur trois a un poids malsain. Nous ne pouvons pas laisser l’industrie alimentaire affaiblir les mesures actuelles pour favoriser ses ventes au détriment de la santé de la population.
Les critiques brandissent des épouvantails en véhiculant que les mesures envisagées cherchent à imposer des choix alimentaires à la population et à nuire à l’agriculture canadienne, ce qui est loin d’être le cas. Cette dernière joue un rôle crucial en produisant des aliments de bonne qualité dont nous avons besoin chaque jour, ce qui ne changera pas de sitôt.
Ce qui doit changer, c’est l’augmentation de la prévalence de l’obésité et des maladies liées à l’alimentation, une tendance que peut potentiellement renverser la stratégie fédérale en matière de saine alimentation.
Mary L’Abbé, Ph. D, est titulaire de la chaire Earle W. McHenry et doyenne du département des sciences de la nutrition à la Faculté de médecine de l’Université de Toronto, où elle mène le groupe de travail sur les politiques de santé publique en matière d’alimentation et de nutrition. Mme L’Abbé est aussi conseillère auprès de l’Organisation mondiale de la Santé et d’EvidenceNetwork.ca.