Depuis le lancement de la série télévisée The Handmaid’s Tale en 2017, l’oeuvre originale écrite par Margaret Atwood a gagné en popularité. Pour le Ballet royal de Winnipeg, c’était l’occasion rêvée de remettre sa version dansée sur le devant de la scène. (1)

Par Manella VILA NOVA

La chorégraphe américaine Lila York était de passage à Winnipeg pour l’occasion. « Le livre The Handmaid’s Tale est sorti en 1985, et l’histoire était déjà pertinente. Quand je l’ai lu, j’ai été captivée. Les femmes vivent une vie normale, et tout d’un coup, elles découvrent qu’elles ne peuvent plus contrôler leur argent. Ça m’a terrifiée, parce que ça semble très plausible dans le contexte actuel. »

Elle a donc décidé de développer un ballet autour du thème. « Quand j’ai créé ce spectacle pour le Ballet royal de Winnipeg, le roman n’était plus si populaire, et je voulais que le public s’intéresse de nouveau à cette histoire. Mais il y a tellement de détails et de subtilités dans le roman. Je n’ai pas pu tout intégrer, mais l’essentiel y est. C’est une histoire d’action, donc transposable en mouvements. »

L’une des parties les plus difficiles de la création pour Lila York était de transmettre l’idée de la lecture interdite. « Le fait que les femmes soient cloîtrées à la maison comme épouses, mères ou servantes et n’aient plus le droit de lire, d’être éduquées ou de prendre des décisions par elles-mêmes était très important pour Margaret Atwood. Dans le roman, le Commander séduit Offred, le personnage principal, en jouant au Scrabble. J’ai transformé ce moment en un passage où le Commander la tente en lui proposant un livre et une valse. »

Quand Lila York a présenté son travail à Winnipeg pour la première fois en 2013, la réception a été mitigée. « Les critiques ont été durs. Le public, lui, était en larmes à la fin. Sur le coup, je n’ai pas compris pourquoi. Puis on m’a expliqué que c’était le sentiment de libération après toute la tension du ballet. Le final de la pièce est fort, rapide, violent, et je ne voulais pas que le public parte sur cette note de tension. Je voulais de la paix et de l’espoir. »

La chorégraphe était émue par ces réactions. « Pour moi, c’est gratifiant. Comme artiste, on espère que le public sera touché par notre oeuvre. De nos jours, tout le monde a beaucoup plus conscience de ce qui se passe aux États-Unis. L’histoire de The Handmaid’s Tale devient de plus en plus pertinente dans nos vies. Et la série télévisée, que je trouve excellente, a permis de conscientiser un public plus large. »

Lila York soutient que ce type d’oeuvre « a le pouvoir de changer les choses. Je ne sais pas à quel point on peut provoquer du changement. Je vois plus de résistance, mais jusqu’à maintenant, il y a eu peu de résultats. L’internet est contrôlé par quatre multinationales, et la censure devient intense. Or, ce n’est pas censé arriver dans un pays qui garantit la liberté de la presse. Mais je pense qu’en travaillant tous ensemble, on pourra avoir un impact positif. »

(1) The Handmaid’s Tale, basé sur le roman de Margaret Atwood, à la Salle du centenaire du 10 au 14 octobre.