Par Michel LAGACÉ
Madame Catherine Tait
Présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada
Ottawa, ON
Madame, Nous qui vivons à l’extérieur du Québec sommes habitués à entendre des commentateurs de tout acabit affirmer que le français ne se parle plus chez nous. Et, d’année en année, nous recevons aimablement des visiteurs québécois mal informés qui s’étonnent de pouvoir nous parler en français.
Pour des raisons politiques, René Lévesque a annoncé en 1968 que les francophones à l’extérieur du Québec étaient des “dead ducks”. Les ayant ainsi assassinés, il pouvait s’en laver les mains et proclamer que hors du Québec, point de français. Et Radio-Canada a emboîté le pas. Depuis ce temps, le Québec s’est présenté en Cour suprême à plusieurs reprises pour s’opposer aux revendications des francophones d’autres provinces, eux qui autrement n’existent pas.
Le scandale des commentaires de Mme Bombardier ne réside pas dans le fait qu’elle ait étalé son ignorance à grand coup de gueule en prétendant que “à travers le Canada, toutes les communautés francophones ont à peu près disparu.” Et que, d’après elle, “on ne parle plus le français” au Manitoba. Pourquoi en est-elle si sûre? Elle dit s’y être rendue au mois de janvier cette année et personne ne le parlait (1). Depuis sa sortie, des âmes généreuses l’ont invitée à visiter le Manitoba pour mieux le connaître. Souhaitons plutôt qu’elle reste au Québec où elle pourra continuer à éclairer son lectorat au Journal de Montréal. Nous n’avons rien à lui prouver.
Ce ne sont pas l’ignorance et la mesquinerie de Mme Bombardier qui choquent. Cela la regarde. Le vrai scandale se trouve dans le fait que, année après année, Radio-Canada continue à propager des faussetés sur les francophones à l’extérieur du Québec. Cela vous regarde au premier chef. Car la Loi sur la radiodiffusion vous impose des obligations claires, exigeant entre autres que la programmation soit offerte “de manière à refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue.”
Et c’est sur cette exigence précise que Radio-Canada manque profondément à ses obligations. Depuis des décennies, le “diffuseur national” se contente essentiellement de propager des mythes, des caricatures et des clichés politiques qui alimentent l’ignorance trop répandue des Québécois en ce qui nous regarde. C’est à vous que revient l’obligation primordiale de vous assurer que les Canadiens aient l’heure juste sur leurs concitoyens. Les contribuables du Canada tout entier vous offrent généreusement 1,2 milliard $ pour vous acquitter de cette tâche. Que les remarques de Mme Bombardier aient passé en ondes, et cela sans commentaire de la part des animateurs de l’émission, souligne à quel point Radio-Canada n’est décidemment pas à la hauteur de ses responsabilités. Il vous revient, à vous Madame, de redresser cette situation lamentable pour que les Canadiens puissent enfin se parler et se connaître coast to coast!
(1) Or Mme Bombardier a été reçue en français au village métis francophone de Saint-Laurent au Manitoba où elle a participé en français à l’émission Au pays des Mitchifs de Canal D.