Examen pour les soins infirmiers : Santé Canada se donne 4 mois
André Magny (Francopresse)
Depuis son instauration en 2015, l’examen américain du National Council Licensure Examination ou NCLEX-RN cause bien des maux de tête à celles et ceux qui sont formés en sciences infirmières et qui ont la mauvaise idée de passer l’ultime test en français.
Il y a trois ans, le Conseil canadien des organismes de réglementation de la profession infirmière (CCORPI) parlait alors d’un taux de réussite de plus de 82 % à l’échelle canadienne contre 30 % chez les francophones. Des chiffres alarmants, qui n’ont pas beaucoup varié et qui ont évidemment des répercussions à la baisse sur les inscriptions dans les établissements concernés par la formation en sciences infirmières : l’Université d’Ottawa, l’Université de Moncton, l’Université Laurentienne, l’Université de Saint-Boniface et le Campus Saint-Jean en Alberta, tous membres du Consortium national de santé en français (CNSF).
Le NCLEX-RN est l’examen que les infirmières et infirmiers immatriculés doivent obligatoirement réussir pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession d’infirmière au Canada, exception faite du Québec.
L’examen américain a remplacé celui du Canada, qui était bilingue, puisque les provinces et territoires anglophones du Canada préféraient le format électronique de l’oncle Sam. C’est ce que nous apprend le rapport du Comité permanent sur les langues officielles rendu public la semaine dernière. Ce même comité avait été sensibilisé à cette question au printemps de 2017 et avait vu défiler devant lui nombre d’intervenants à la fois des milieux infirmiers et des institutions postsecondaires du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario.
Recommandations
Dans son rapport, le Comité y va de quatre recommandations, dont trois strictement à l’endroit de Santé Canada. Les députés du Comité demandent, entre autres, que le Ministère « s’engage à trouver avec ses homologues provinciaux et territoriaux des solutions à l’offre active des services de santé dans les deux langues officielles ». Il rappelle aussi « aux ordres professionnels du milieu de la santé les besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire en termes d’accès à des professionnels de la santé », qui puissent s’exprimer en français.
Les membres du Comité souhaitent également « que Santé Canada octroie au Consortium national de santé en français les fonds nécessaires afin qu’il puisse coordonner le développement, en partenariat avec les institutions postsecondaires francophones concernées de son réseau et les associations étudiantes, des outils nécessaires pour améliorer le taux de réussite des infirmières et infirmiers immatriculés francophones qui passent l’examen NCLEX-RN en français.
La suite des choses
Concrètement, que va-t-il se passer sur le terrain? Fortement interpelé, Santé Canada répond par la voix de sa porte-parole Maryse Durette, qui affirme que « le Ministère prendra le temps d’étudier les recommandations du rapport, de consulter les groupes concernés et présentera une réponse globale au Comité dans les délais prescrits. » Et cela veut dire dans combien de temps? Après le dépôt d’un rapport de comité, le gouvernement a 120 jours ouvrables pour soumettre sa réponse officielle. Cela serait donc surprenant que la cohorte de cette année ait de nouveaux outils adéquats.
De son côté, l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), qui porte sous son aile le CNSF, se dit favorable aux recommandations. Avec plus de fonds, l’ACUFC est d’avis que la production de matériel spécialement conçu pour la réussite de l’examen peut se faire assez rapidement.
Au plan politique, cependant, les étudiants en sciences infirmières seront-ils au centre d’une querelle entre Ottawa et les provinces? L’éducation et la santé étant évidemment de compétences provinciales et territoriales.
François Choquette du Nouveau Parti démocratique est l’un des deux vice-présidents du Comité permanent sur les langues officielles. Il signale d’abord qu’il s’agit « de la responsabilité du gouvernement fédéral d’assurer le respect des deux langues officielles. Ce rapport est important parce qu’il est unanime. » Conscient que la situation est grave en raison du nombre des inscriptions qui diminuent dans les institutions scolaires donnant la formation en français en sciences infirmières, le député de Drummond au Québec sait pertinemment que l’éducation et la santé sont les chasses gardées des provinces. « Santé Canada doit s’asseoir avec les provinces. On ne veut pas imposer la solution, mais on peut faire partie de la solution. »