Les résultats de l’étude Le bilinguisme anglais-français hors Québec : un portrait économique des bilingues au Canada sont clairs : le bilinguisme porte ses fruits. Dévoilée ce mardi 27 novembre à Ottawa par l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), cette recherche montre aussi que les travailleurs bilingues sont restés plus longtemps sur les bancs de l’école.
Lucas Pilleri (Francopresse)
Un travailleur sur cinq au Canada est bilingue. Ils sont 2,1 millions à maîtriser les deux langues officielles, Québec exclu, soit 10 % de la population en âge de travailler. Ensemble, ils contribuent pour 135 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB) du pays.
Ces chiffres proviennent d’une étude menée par le Conference Board du Canada à partir des données des recensements canadiens de 2006 et 2016, ainsi que d’un sondage effectué auprès de 1000 répondants.
« L’objectif était de voir s’il y a un avantage sur le marché du travail à être bilingue dans le Canada hors Québec », indique Pedro Antunes, directeur général, en prévisions et analyses et économiste en chef adjoint du Conference Board.
Une main-d’œuvre dynamique
La réponse semble être oui. Dans certaines provinces, le poids économique des travailleurs bilingues est considérable : au Nouveau-Brunswick, par exemple, 39 % du PIB leur est attribuable. Les deux provinces à compléter le podium sont l’Ontario avec 13 % et l’Île-du-Prince-Édouard avec 12 %. Pour Lynn Brouillette, directrice générale de l’ACUFC, la conclusion est claire : « Les bilingues contribuent à l’économie de façon plus importante. »
Et cela leur réussit bien : en moyenne, les bilingues souffrent moins du chômage et gagnent 5000 dollars de plus par an que les unilingues : 59 000 $ contre 54 000 $. La différence la plus marquée se trouve en Ontario où les locuteurs du français et de l’anglais empochent en moyenne près de 63 000 $ à l’année contre 53 000 $ pour leurs pairs unilingues.
La preuve que l’éducation bilingue paie
Les données soulignent clairement les effets positifs de l’enseignement bilingue sur le marché du travail. De quoi réjouir les 21 collèges et universités membres de l’ACUFC, cofinanceurs de l’étude, particulièrement intéressés par les résultats : « Cette étude nous donne du vent dans les voiles, s’enthousiasme la directrice générale. Il y a un lien direct avec la formation postsecondaire, qui contribue à la formation d’une main-d’œuvre bilingue qualifiée. »
L’étude montre que les bilingues atteignent des niveaux d’études plus élevés : 37 % d’entre eux ont obtenu au minimum un baccalauréat, contre 24 % chez les unilingues. Ces résultats appuieront certainement la cause des institutions postsecondaires auprès des instances fédérales. « Ça permet d’asseoir nos argumentaires avec des données probantes et des études rigoureuses. Et ça permet au gouvernement d’être mieux outillé pour prendre des décisions », évoque Lynn Brouillette.
Avec 70 points d’accès et 1200 programmes à travers le pays, les membres de l’ACUFC peuvent donc se féliciter de leur impact : « Ça démontre que ça vaut la peine d’investir dans ces institutions », conclut Lynn Brouillette.
Quelques surprises
Si plus de la moitié des bilingues « hors Québec » vivent en Ontario, c’est la Colombie-Britannique qui occupe la deuxième place avec 168 000 bilingues, suivie de l’Alberta puis du Nouveau-Brunswick.
Côté industries, on retrouve les travailleurs bilingues surtout dans la fonction publique, l’enseignement, la culture et les soins de santé, mais aussi les services professionnels, scientifiques et techniques, des secteurs « où la création d’emplois est très forte », note Pedro Antunes. Plus surprenant, l’étude constate que les bilingues sont surreprésentés dans la finance et les assurances, contribuant pour 31 milliards de dollars à cette industrie lucrative.
Enfin, les résultats montrent qu’une majorité de bilingues ne sont pas des francophones d’origine. « 60 % des répondants ont appris l’anglais en premier. Ça démontre une attitude positive des anglophones envers le français », précise Pedro Antunes, qui tient pour preuve la pénurie de professeurs de français en immersion. « Il y a un intérêt et un engouement pour les études en français », rejoint Lynn Brouillette.
Quelle pratique du bilinguisme?
Toutefois, l’étude suggère que ce n’est pas tant l’utilisation d’une deuxième langue qui compte, mais sa connaissance seule, signe de persévérance et d’adaptabilité pour les employeurs. « Le bilinguisme est une compétence supplémentaire sur le marché du travail », résume Pedro Antunes.
Même s’il n’est pas nécessairement utilisé, le bilinguisme apparaît tout de même comme une corde de plus à l’arc des travailleurs, « à l’heure où le marché du travail appelle à rester flexible », ponctue l’analyste.