Simon Delattre (Acadie Nouvelle)
Le Canada accueillera les prochains Jeux de la Francophonie, du 23 juillet au 1er août 2021 au Nouveau-Brunswick. Si l’occasion est grande pour la Province comme pour tout le pays, des défis financiers sont déjà à déplorer.
Au moment de soumettre sa candidature, en 2015, le Nouveau-Brunswick annonçait des coûts maîtrisés et un budget de 17 millions $. Trois ans plus tard, le comité organisateur présente une facture de 130 millions $, presque huit fois supérieure aux prévisions initiales.
Les membres du comité organisateur des Jeux de la Francophonie 2021 affirment cependant ne pas être responsables d’avoir établi un budget largement sous-évalué dans le dossier de candidature de Moncton-Dieppe.
Les municipalités de Moncton et Dieppe refusent pour leur part d’engager des fonds supplémentaires et le gouvernement Higgs a fait savoir que la Province ne peut simplement pas se permettre de telles dépenses. Face au tollé suscité par l’escalade des coûts, le comité organisateur a décidé de répondre aux questions des journalistes lors d’une conférence de presse début décembre.
En 2015, Éric Mathieu Doucet, président du comité organisateur, et Éric Larocque, directeur général, participaient à titre de bénévoles au comité de candidature, composé essentiellement de fonctionnaires provinciaux.
Le rôle des bénévoles, explique Éric Mathieu Doucet, n’était pas d’évaluer les coûts et il se limitait à consulter les municipalités ainsi que les associations sportives de la région. Il renvoie la balle du côté du gouvernement Gallant.
« Nous n’étions pas responsables du budget, je ne voudrais pas parler au nom du comité de candidature, c’était le comité de candidature du gouvernement du Nouveau-Brunswick », déclare-t-il.
Formé en avril 2017, un an après que la candidature de Moncton-Dieppe ait été retenue, le comité organisateur a été chargé d’élaborer un plan d’affaires. C’est alors que les municipalités, le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick et l’Université de Moncton ont soumis leur liste de vœux et que plusieurs experts dans l’organisation d’évènements sportifs internationaux ont été consultés.
« Une fois que le plan d’affaires était en action, on a commencé à voir les chiffres réels, précise Éric Mathieu Doucet. C’est une fois qu’on avait accepté le mandat qu’on s’est rendu compte de l’ampleur de ce que c’est d’organiser des jeux internationaux. »
Le plan d’affaires de 130 millions $ présenté en mars 2018 comprenait 84 millions en opération. Cela inclut notamment 10 millions $ pour la sécurité.
À cela s’ajoute un budget de 36 millions $ destiné aux infrastructures. De cette somme, 18 millions $ sont qualifiés d’« investissements essentiels », qui comprennent la création de deux nouveaux terrains de soccer à Moncton et à Dieppe, ainsi qu’une mise à niveau des terrains de tennis du parc du Centenaire et de la piste d’athlétisme sur le campus de l’Université de Moncton.
« Nous avons construit un budget qui assure le succès des Jeux, tout en faisant honneur au Nouveau-Brunswick et au Canada, et ce, sans tomber dans l’excès », estime M. Doucet.
Le niveau de complexité dépasse celui de la plupart des évènements sportifs et requiert des ressources financières importantes, plaide le président du comité.
« Ce sont huit compétitions sportives et cinq compétitions culturelles qui se déroulent en même temps, avec 24 sites à travers la région. Chaque site a besoin de services médicaux, des repas, de sécurité, d’accréditations… C’est une vraiment une opération d’envergure. »
À la question de savoir si les bailleurs de fonds ont été avisés de dépassements de coûts avant 2018, il confirme que des discussions ont eu lieu avec les partenaires « avant le dépôt du plan d’affaires ».
Des économies possibles
Un expert indépendant embauché par Ottawa a ensuite évalué le plan soumis par le comité. Son rapport a été remis aux gouvernements fédéral et provincial au mois de septembre, une semaine avant les élections néo-brunswickoises.
« De ce qu’on a entendu, le consultant a proposé certaines options pour réduire le budget », indique M. Doucet.
Les membres du comité organisateur affirment ne pas avoir eu accès à cette étude, on ignore donc pour le moment quelles modifications ont été suggérées.
« Je pense qu’il y a moyen de réduire, il y a certains investissements en infrastructure qui pourraient tomber », avance le président.
« Depuis mi-septembre, nous attendons un retour des gouvernements pour commencer les négociations. »
La situation politique provinciale au lendemain des élections a retardé le processus. Pour le moment, les discussions ont lieu entre Ottawa et Fredericton.
« Nous ne sommes pas à cette table, ce sera à eux de décider de l’ampleur des Jeux qu’ils veulent organiser », souligne Éric Mathieu Doucet. « Il revient aux gouvernements de prendre les décisions et de dire quelles sont les règles du jeu. Nous allons nous adapter. »
Les organisateurs disent vouloir entamer les pourparlers avec les bailleurs de fonds « pour en arriver un financement qui correspond à leurs attentes ».
Le comité vante l’impact positif des Jeux
Éric Mathieu Doucet affiche son optimisme.
« Tout le monde veut accueillir ces Jeux, lance-t-il. La province, le gouvernement fédéral et les municipalités comprennent l’impact d’accueillir le monde chez nous, d’être sur la carte. Ils réalisent l’opportunité pour la visibilité de la région et l’expérience que nos citoyens et nos jeunes vont vivre. »
L’événement bénéficiera à la province sur le plan du tourisme, de l’immigration, du recrutement étudiant et du rayonnement culturel des artistes, assurent les organisateurs.
Ils prévoient d’ailleurs des retombées économiques importantes : 165 millions $ au Canada dont 148 millions $ au Nouveau-Brunswick.
Ces chiffres sont bien au-delà de ceux fournis par le gouvernement provincial au moment de la mise en candidature.
L’ancienne ministre de la Francophonie Francine Landry évoquait alors des retombées de 25 millions $.
« C’était l’estimation pour un budget de 15 millions, s’est justifié le directeur général Éric Larocque. Si le budget est plus élevé et qu’il y a plus de travaux en infrastructures, les retombées sont elles aussi plus élevées. »