Par Michel LAGACÉ
Plus de 5 000 personnes viennent de signer une pétition anonyme lancée en fin d’année sur le site Web de la Maison Blanche. La pétition demande au gouvernement américain de remettre au Canada un territoire connu comme l’Angle du Nord-Ouest. Mesurant 320 kilomètres carrés, cette péninsule contiguë au Manitoba est entourée par le lac des Bois et fait partie du Minnesota. Pour parcourir les 96 km qui séparent l’Angle du reste de leur État, les quelque 120 résidents américains doivent se rendre au sud du Manitoba pour ensuite rentrer aux États-Unis.
Cette situation anormale a été créée peu après le traité de Paris de 1783 qui reconnaissait l’indépendance des États-Unis de la Grande-Bretagne. S’appuyant sur une carte erronée datant de 1755, les négociateurs ont consacré par traité un îlot de terre américaine qu’on ne peut rejoindre qu’en bateau ou en passant par le Canada.
Ce lieu peu connu a pourtant joué un rôle important dans l’exploration de l’Ouest canadien. C’est là qu’en 1732, Pierre Gaultier de Varennes, Sieur de La Vérendrye, fit construire le Fort Saint-Charles pour servir d’entrepôt de ravitaillement et poste de traite pour ses expéditions vers une présumée « mer de l’Ouest » qui le conduirait en Chine. En 1736, La Vérendrye a envoyé son fils aîné Jean-Baptiste avec un convoi de 19 hommes à Michillimakinac pour chercher des vivres et des marchandises de traite. Le missionnaire jésuite Jean-Pierre Aulneau les accompagnait. Arrêtés sur une petite île du lac des Bois, ils ont tous été tués par une bande de Sioux. La Vérendrye fit inhumer leurs restes dans la chapelle du Fort Saint-Charles.
En 1902, l’archevêque de Saint-Boniface, Monseigneur Adélard Langevin, a organisé une expédition pour découvrir l’emplacement du Fort Saint-Charles et surtout les restes des 21 hommes tués en 1736. Rendus sur l’île qu’ils croyaient être le site du conflit mortel, les sept membres de l’expédition ont fondé la Société historique de Saint-Boniface. On organisa d’autres excursions pour enfin retrouver les ruines de l’ancien fort en 1908. Les restes des hommes ont été transportés à Saint- Boniface et entreposés au Collège de Saint-Boniface. Les quelques ossements qui n’ont pas disparu dans l’incendie du Collège en 1922 ont été inhumés dans un coffret fixé dans le monument Aulneau-La Vérendrye qui se trouve dans le cimetière de la Cathédrale de Saint-Boniface.
Il serait fort souhaitable que le Canada récupère un lieu historique qui remonte aux origines de la présence française dans l’Ouest canadien. Malheureusement, il faut au moins 100 000 signatures avant le 30 janvier pour obtenir une réponse à la pétition qui restera sans doute lettre morte. Elle aura cependant rappelé que c’est l’ironie de l’histoire qui a voulu qu’un site en lien direct avec notre passé soit amputé du Canada pour se trouver en territoire américain.