Dans les années 1970 le marché du livre francophone du Québec est contrôlé par la France. Au point où tout l’appareil de diffusion se trouve en France. En réponse, le Québec a créé en 1981, la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre, qui permet de contrôler toute la chaîne du livre.
Par Ophélie DOIREAU
La loi mise en place pour protéger le livre est connue par les acteurs de la chaîne qui comprend les éditeurs, les distributeurs et les libraires comme la Loi 51.
Roland Stringer, propriétaire depuis 20 ans de la maison d’édition La Montagne Secrète, explique : « Créer et éditer un livre exige une coordination d’ensemble. Lorsqu’un acteur est impacté, le reste de la chaîne l’est aussi. Pour chaque secteur il faut un agrément qui accorde un statut avec des privilèges.
« Au bout de la chaîne, le libraire qui est agréé s’engage à avoir un chiffre d’affaires pour la vente des livres supérieur à son chiffre d’affaires des autres activités. Aussi, 35 % des livres de la librairie doivent être québécois. Pendant 90 jours le libraire doit garder les nouveautés envoyées par les maisons d’édition.
« En contrepartie, son statut de libraire agréé fait en sorte que les institutions du Québec doivent passer par lui. Il y a toujours une part de marché qui est garantie. La vente aux écoles et aux bibliothèques peut représenter jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires du libraire.
« Pour donner un ordre de grandeur ces règles ont permis d’agréer plus de 200 et peut-être jusqu’à 400 librairies indépendantes au Québec.
« En comparaison dans le reste du Canada, il reste une cinquantaine de librairies indépendantes. »
Au milieu de la chaîne on trouve les distributeurs, qui acceptent eux aussi des obligations pour obtenir l’agrément.
« 51 % des actions d’un distributeur agréé doivent être détenues par des Québécois. Les libraires doivent absolument acheter à ces distributeurs et ne peuvent passer par des grossistes ou des distributeurs étrangers si le livre en question est disponible chez un distributeur québécois. Obligation qui renforce la chaîne.
« Alors que dans le reste du Canada, les libraires doivent lutter contre Amazon, contre les grossistes ou encore contre des grandes maisons d’édition étrangères comme Scholastic qui vendent directement dans les écoles ou auprès des institutions. »
Et au sommet de la chaîne on trouve les éditeurs qui eux aussi sont soumis à diverses obligations.
« Quand on est éditeur agréé, on peut obtenir des subventions qui permettent par exemple, d’envoyer des auteurs dans les salons du livres. Les éditeurs fixent le prix du livre. Personne n’est obligé d’acheter le livre à ce prix-là. Mais les libraires sont fortement encouragés à le faire.
« D’autant plus que lorsque le libraire fait le choix d’acheter au prix proposé, il est garanti d’une remise d’au moins 30 %.
« D’ailleurs, 95 % des libraires respectent le prix proposé.
« Ces dispositions légales mises en place dans la Loi 51 permettent aussi de lutter contre les géants du web qui cassent les prix. En effet Amazon peut se permettre de proposer des réductions vraiment attrayantes. Cela fait un énorme tort aux libraires et à toute la chaîne. »
Un bémol à la présente situation : la Loi 51, n’a pas été révisée depuis sa mise en place voilà presque 40 ans c’est-à-dire bien avant l’apparition du livre numérique.
Commentaire de Roland Stringer : « Si le gouvernement décide de revoir la loi, il y a un risque potentiel. Tous les acteurs de la chaîne pourraient perdre des acquis.
« Alors oui il faut inclure le numérique. Mais il ne faut pas revenir en arrière sur les dispositions qui assurent la pérennité de la chaîne éditeurs, distributeurs, libraires. »