En juillet dernier, le président des États-Unis annonçait que son administration réimposerait des tarifs douaniers de 10 % sur l’aluminium brut canadien à compter de la mi-aout. Un mois plus tard, nos voisins du Sud annonçaient faire marche arrière. Pour plusieurs observateurs, cette décision est le produit de la conjoncture électorale étatsunienne et des pressions exercées par la communauté d’affaires sur l’administration Trump.
Par Bruno COURNOYER PAQUIN — Francopresse
Le représentant commercial étatsunien Robert Lighthizer en a fait l’annonce par voie de communiqué, indiquant que la décision n’a été prise qu’après « des consultations avec le gouvernement canadien ».
La même journée, la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland a souligné, en conférence de presse, qu’il s’agissait d’une déclaration unilatérale des États-Unis, que le Canada n’avait « rien accepté » et « rien négocié » avec les États-Unis. Elle a ajouté que « si les tarifs étaient réimposés sur nos exportations d’aluminium à l’avenir, le Canada riposterait avec des mesures tout à fait réciproques, d’un dollar pour un dollar [sur les produits américains] ».
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Une décision politique
En aout dernier, le professeur agrégé à l’École de gestion de l’Université Carleton Ian Lee expliquait à Francopresse que Donald Trump tentait de recapturer la clé de son succès électoral dans les États clés du Mid-Ouest en s’appuyant sur le nationalisme économique.
Donald Trump, expliquait-il, fait campagne sur le thème de « se tenir debout pour les États-Unis, se tenir debout pour les travailleurs ». Pour mener ce type de campagne, il a besoin d’un « croquemitaine » (vilain). Or, « le Canada n’est pas un bon croquemitaine », car les Américains, selon les sondages, ont une très haute opinion du Canada, qui n’est pas perçu comme une menace pour les États-Unis.
Selon Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), dans ce contexte électoral, « le parti républicain avait intérêt à ce que l’enjeu des tarifs sur l’aluminium, pour ce qui reste de la course à la présidence, ne vienne pas détourner l’attention [de l’électorat]. » Le fait que le Canada s’apprêtait à imposer ses propres représailles aurait d’autant plus relevé la saillance du dossier.
À cela, Ian Lee avance qu’il faut ajouter que les tarifs sur l’aluminium canadien étaient très impopulaires auprès de la communauté d’affaires étatsunienne. Cette hostilité a sans doute été amplifiée par l’annonce de la ministre Freeland que le Canada allait adopter des mesures de rétorsion contre les entreprises américaines consommatrices d’aluminium. Une opinion essentiellement partagée par Jean Simard et Elliot Tepper, professeur au département de science politique de l’Université Carleton.
Ce dernier souligne que « le Canada a déployé son considérable réseau de contacts diplomatiques et économiques aux États-Unis, qui ont été d’autant plus approfondis au cours des négociations du nouvel ALENA » pour renverser l’imposition de ces nouveaux tarifs sur l’aluminium canadien. Des efforts similaires ont aussi été déployés par le consulat général du Québec à New York, ajoute Jean Simard.
Pour Ian Lee, donc, la question des tarifs de l’aluminium devenait pour le président Trump « une autre épine dans le pied dont il n’avait pas besoin ».
En fin de compte, selon Ian Lee, il s’agit d’un dénouement « gagnant-gagnant » pour le Canada et les États-Unis. L’administration Trump peut pacifier la communauté d’affaires et déclarer être parvenue à limiter les importations canadiennes d’aluminium brut, alors que le Canada peut crier victoire pour avoir mis fin aux tarifs américains.
« Les tarifs ont été mis en place pour des considérations strictement politiques et ils ont été levés pour des raisons strictement politiques », conclut Jean Simard.
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Les États-Unis imposent des limites aux importations d’aluminium brut canadien, qui ne doivent pas excéder entre 70 000 et 83 000 tonnes mensuellement. Jean Simard, président de l’AAC, observe qu’il s’agit d’une contrainte aux exportations canadiennes d’aluminium brut.
À l’AAC, on explique que le volume des exportations d’aluminium brut vers les États-Unis n’est pas entièrement sous le contrôle des producteurs canadiens ; il varie plutôt en fonction de la structure du marché de l’aluminium.
« L’entreposage de l’aluminium se fait dans les marchés de consommation [ici, les États-Unis, NDLR]. Les entrepôts appartiennent au London Metal Exchange, la bourse des métaux de Londres. Il y a à peu près 600 entrepôts à travers le monde, mais aucun au Canada », explique le président de l’AAC, Jean Simard.
« Quand ce type de métal là [l’aluminium brut] traverse la frontière, c’est parce qu’il a été vendu à des courtiers. Nous, on n’a pas un mot à dire avec ce qu’ils font avec après », ajoute-t-il.
Jean Simard souligne aussi que les exportations d’aluminium brut vers les États-Unis augmenteront dans l’éventualité d’une deuxième vague de COVID-19, car cela fera inévitablement chuter la demande pour les produits transformés.
Les alumineries canadiennes n’auront d’autre choix que de passer d’une production d’aluminium transformé à une production d’aluminium brut, explique Jean Simard, parce qu’elles ne peuvent arrêter la production pour des raisons techniques : le métal figerait dans les cuves, ce qui entrainerait des couts de centaines de millions de dollars pour relancer la production.
Dans cette période de crise, donc, l’état du marché et les contraintes des technologies de production entrainent une réorientation de l’offre d’aluminium canadien vers les lingots bruts, plutôt que les produits transformés.