Par Michel LAGACÉ
Dans la foulée de l’assaut du Capitole incité par le président des États-Unis, Donald Trump, les chefs du Pentagone ont publié une lettre dans laquelle ils ont jugé nécessaire de rappeler à leurs troupes que la liberté d’expression et de rassemblement n’autorise personne à recourir à la violence ou à l’insurrection. Et ils ont aussi rappelé que chaque soldat doit défendre la Constitution des États-Unis. En soi, un rappel surprenant puisque tout soldat américain a déjà forcément prêté serment à cet effet.
Les évènements tumultueux dans la capitale américaine peuvent sembler très éloignés d’un Canada qu’on imagine exempt de violence interne. Et pourtant, le jour même de la publication de la lettre des hauts gradés américains, une cérémonie inhabituelle de passation des pouvoirs militaires avait lieu au Canada : le vice-amiral Art McDonald de la Marine royale canadienne succédait au général Jonathan Vance comme chef d’état-major des Forces armées canadiennes.
Car, lors de la cérémonie, Jonathan Vance a révélé qu’il avait compris pour la première fois, il y a trois ans, que les Forces armées canadiennes avaient un réel problème de haine et de racisme. L’incident révélateur pour lui avait eu lieu lorsque des marins canadiens avaient été identifiés comme membres des « Proud Boys », une organisation néo-fasciste. Ils avaient confronté des manifestants autochtones qui protestaient contre la statue d’Edward Cornwallis, le fondateur de Halifax qui avait offert une prime à quiconque tuerait un Mi’kmaw. Aux yeux de Vance, cet incident révélait de graves lacunes dans la façon dont l’armée répondait dans ses propres rangs à l’idéologie d’extrême droite et à la haine.
Cet incident est d’ailleurs loin d’être unique. Rien que durant la dernière année, un réserviste de l’armée canadienne tenu pour recruteur pour un groupe néonazi a été détenu aux États-Unis. Et un ranger canadien armé a été arrêté en juillet après avoir défoncé la ceinture de sécurité de Rideau Hall à Ottawa.
C’est dire si Art McDonald sait à quoi s’en tenir. D’autant plus que le Premier ministre, Justin Trudeau, déclarait le mois dernier qu’une de ses principales missions consisterait à extirper l’extrémisme et le racisme systémique de l’armée. Et pour montrer à quel point il était sérieux, McDonald lui-même a fait amende honorable. En assumant son nouveau poste, il a présenté ses excuses aux victimes de racisme et de comportements discriminatoires ou haineux à l’intérieur des forces armées.
Il s’agit-là d’un signal bienvenu. Les dirigeants militaires et civils des forces armées ne peuvent pas se permettre d’être indifférents aux dérapages déjà trop nombreux. Car nos forces armées sont un des piliers centraux de l’État et de la sécurité de la société civile. Les évènements à Washington doivent agir comme une sonnette d’alarme.
L’idéologie d’extrême droite doit être ouvertement combattue pour que le Canada ne connaisse jamais un écho de l’assaut survenu dans la capitale américaine.