Au centre de l’avenue Wolseley a pris place depuis cinq mois déjà une nouvelle boutique. Dans leur quartier favori, Suzanne Druwé et son conjoint Brian Szkalrczuk ont ouvert « Prairie Vélo », avec l’objectif d’un vélo accessible et inclusif.
Par Mattieu Cazalets
« On a une dame, qui a acheté un tricycle, il y a deux ans déjà, une femme avec une sclérose en plaque, ça faisait au moins 30 ans qu’elle n’avait pas fait de vélo. Tout à coup, sa fille lui achète ce tricycle. Mon dieu, elle a fait du tricycle pendant tout l’été, tout l’automne. »
« Ça change la vie de pouvoir faire ça! ». Assise à son bureau, Suzanne Druwé, gérante de Prairie Vélo, se souvient, avec une joie communicative de cette cliente qui a pu retrouver le plaisir du cyclisme.
| Une ouverture dans la suite des choses
« On pensait à ça depuis très longtemps ». Le ton est donné. Le couple était fait pour ouvrir une boutique de ce type, après la création, en 2019, d’une entreprise mobile qui livre les clients directement chez eux sans aucun local fixe. « On se rendait chez les gens pour réparer les vélos. On commençait à faire de la vente aussi, surtout des vélos à assistance électrique », explique Suzanne Druwé.
C’est bien en 2021, voyant grandir le nombre de clients qu’ils décident de sauter le pas et d’ouvrir un magasin avec un lieu physique. C’est dans un élan qualifié de « moment de folie », que les deux passionnés achètent le local d’une ancienne épicerie après avoir fait des recherches sans succès à Saint- Boniface.
« On se trouve très chanceux d’avoir trouvé cet emplacement-là », indique la gérante, évoquant la présence d’une piste cyclable en face du bâtiment.
« Une incroyable coïnci-dence », ajoute Mallory Fast, neurologue à la retraite et client de Prairie Vélo. Il a établi un contact avec le magasin suite à l’achat d’un vélo pour sa petite fille. Depuis, il blague, « j’ai une collection de vélos et une collection de petits-enfants. »
Suzanne Druwé reprend : « L’état de ce magasin-là, c’était épouvantable, mais on l’a acheté quand même avec l’idée qu’il fallait le retaper ». Malgré quelques obstacles et un travail fastidieux, Prairie Vélo a ouvert ses portes à l’automne 2021 et le public répond déjà présent : « Les gens nous appuient énormément. »
L’épidémie de COVID-19 a rendu l’approvisionnement extrêmement difficile et la recherche de fournisseurs, éprouvante pour Brian Szkalrczuk. Mais elle a eu le mérite de créer « un changement d’attitude dans l’achat de vélos ».
Face aux contraintes de déplacement, les clients se tournent de plus en plus vers des achats « qui restent proches ». Une démarche qui réunit donc aspects pratique, écologique et sportif. «Un samedi matin, tu peux voir passer des centaines et des centaines de personnes en vélo », décrit la gérante.
| L’inclusion au coeur du projet
L’objectif de Suzanne Druwé et Brian Szkalrczuk est aussi social. Face à une offre pas toujours accessible à tous et une certaine réserve chez bon nombre de personnes pour (re)commencé à pédaler, le magasin se veut ouvert à tous les âges et toutes les morphologies. Mallory Fast observe ce magasin comme « un pont », entre la pratique du vélo, et des gens qui auraient pu « abandonner le cyclisme. »
Le couple promeut « une autre façon d’avoir une boutique de vélo.» Mallory Fast évoque le travail de Brian Szkalrczuk : « J’aime son approche, il vous dit : Je ne vais pas seulement vous vendre un vélo, je vais vous garantir que si vous voulez rester mobile, vous le resterez quoi qu’il arrive! »
C’est l’inclusion qui guide ces passionnés. Face à des personnes pour qui « un vélo à deux roues ça ne marche pas », le duo d’entrepreneurs cherche des alternatives et se penche très rapidement sur les véhicules adaptés.
« La gamme de problèmes est tellement vaste », observe Suzanne Druwé, qui s’alarme du peu de considération pour ce sujet au Canada. Mais grâce à un important travail de fond, Prairie Vélo peut fournir une gamme variée de véhicules adaptés. « C’est beaucoup des tricycles ou des vélos où il faut quelqu’un pour pousser par exemple, destinés pour des gens avec des besoins spéciaux. »
Le magasin livre aujourd’hui des institutions spécialisées comme . Des familles à la recherche de modèles spéciaux pour leurs enfants viennent aussi frapper à leur porte. Cela reste tout de même « un vrai investissement pour la santé », selon le gérant, ancien cycliste de haut niveau.
En discutant avec certains de ses anciens patients, Mallory Fast s’est « rendu compte que Brian les avait aidés.»
Il évoque l’exemple d’un d’eux, un ami à lui. « Il faisait entre 30 et 40 kilomètres chaque jour, mais sa maladie l’empêchait de rester mobile, à cause d’un manque d’équilibre. Il aurait pu abandonner un an plus tôt, mais il n’a pas abandonné. Aujourd’hui, grâce à son tricycle, il peut rester mobile. »
Prairie Vélo s’est aussi spécialisé dans le vélo électrique. Personnes âgées, en situation de handicap, ou même amoureux en recherche d’activités à deux, les clients sont très variés. Suzanne Druwé :
« Il y a des gens qui nous disent que c’est très cher d’avoir un vélo électrique. Avec la COVID-19, certaines personnes ont moins voyagé. Ils ont économisé un peu plus d’argent pour ce genre d’achat. Aujourd’hui, un très bon vélo, c’est 3 000, 3 300 $, et parfois moins. Grâce aux progrès technologiques, l’assistance électronique coûte de moins en moins cher.»
La démarche se veut plus profonde qu’une simple vente de vélos. « Ces vélos, ce n’est pas seulement une activité, c’est ce qui permet de vivre plus librement », résume Brian Szkalrczuk. Une façon de mettre chacun sur un pied d’égalité pour un court moment.
Mallory Fast a déjà trouvé une formule toute faite pour le mandat de Prairie Vélo : « Brian et Suzanne ne vendent pas des vélos, ils ne vendent pas des fauteuils roulants, ils s’adaptent aux gens. »