Au début de mois de juin, le Musée des Beaux-Arts du Canada (MBAC) annonçait le départ de la directrice générale, Sasha Suda. Peu de temps après, le Commissaire aux langues officielles publiait son rapport annuel qui rappelait l’importance que les hauts dirigeants des organismes de compétence fédérale maîtrisent les deux langues officielles. Angela Cassie, manitobaine bilingue, a pris le poste par intérim.
Par Ophélie DOIREAU
INITIATIVE DE JOURNALISME LOCAL – La Liberté
Angela Cassie a été nommée directrice générale par intérim du Musée des Beaux-Arts du Canada (MBAC) et a pris ses fonctions le 10 juillet. Une marque de confiance pour elle. « J’ai commencé à travailler pour le Musée en janvier 2021. Je suis honorée que le CA me fasse confiance pour continuer le travail avec notre premier plan stratégique.
« Le CA m’a donné le mandat d’avancer avec ce plan stratégique. Je suis reconnaissante de pouvoir avancer avec le Musée sur des questions de vision. »
Pour Françoise Lyon, la présidente du CA du Musée, il s’agit d’assurer une continuité. « Lorsqu’il y a eu l’embauche du Dre Suda, on était à la recherche d’une personne qui allait amener une compréhension de ce qui se passait du côté des réseaux sociaux ainsi qu’une personne qui allait réorienter le plan stratégique pour être beaucoup plus inclusif de la diversité du Canada. »
D’ailleurs, c’est à ce titre qu’Angela Cassie a été embauchée puisqu’elle était la dirigeante principale de la stratégie et de l’inclusion au MBAC. Françoise Lyon : « On a travaillé les derniers deux ans pour que le Musée se transforme avec une inclusion au sens large. Pour s’assurer que tout ce travail continue, il fallait nommer une personne qui avait participé à cette trans- formation.
« La nomination d’Angela Cassie prend tout son sens, on voulait envoyer le message que malgré le départ du Dre Suda, tout ce qui avait été entrepris n’allait pas tomber à l’eau. C’est la première fois qu’on a un plan stratégique. »
Nommée pour une période à durée déterminée, le CA va devoir s’atteler à la tâche du recrutement avec en tête les critères de diversité et de bilinguisme, défi que Françoise Lyon est confiante de relever.
| Des profils bilingues
« Je suis quelqu’un d’optimiste et je suis convaincue qu’il y a des gens qualifiés qui sont issus de la diversité et qui sont bilingues. Dans le monde des arts, on a déjà rencontré des trilingues, des polyglottes. Je suis convaincue que le bassin de candidats existe et qu’il est plus important qu’on peut le penser. Ça ne veut pas dire qu’ils vont appliquer.
« Le bilinguisme fait partie de nos priorités, lorsqu’on a embauché Dre Suda on était à la recherche d’un profil très particulier avec des critères particuliers, c’était la seule qui se démarquait du groupe et elle avait une base en français. Il y avait une entente très claire qui disait qu’elle devait tout mettre en œuvre pour arriver à un bilinguisme fonctionnel rapidement. »
La pandémie a freiné le travail de Sasha Suda sur son bilinguisme. Françoise Lyon mentionne que pour le prochain candidat, les conditions d’emploi seront similaires. « La personne qu’on souhaite devra être canadienne et le bilinguisme reste une de nos priorités.
« Dans les critères, le bilinguisme est désiré, par contre si un ou une candidat.e se démarque et que la personne a une base de français et qu’elle a besoin d’aide, on pourra mettre en place un plan pour que la personne atteigne un niveau de bilinguisme acceptable dans une certaine période.
« Je sais que c’est un bémol mais on ne veut pas se priver de certains profils qui peuvent être bénéfiques pour le Musée. D’ailleurs, tous les candidat.e.s, qu’elles/ils soient francophones ou anglophones avec des bases dans l’autre langue officielle sont traité.es de la même façon. Le conseil d’administration du Musée soumet ses recommandations au gouvernement et c’est le gouverneur en conseil qui nomme la personne au poste. On veut s’assurer que la personne représente ce que le Musée souhaite devenir. »
| Penser la représentativité
Un point qu’appuie Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles. « Je suis d’avis que bien établir les exigences linguistiques des postes dans la fonction publique fédérale contribue à assurer une prestation de services dans les deux langues officielles, de superviser adéquatement les employés dans la langue officielle de leur choix ainsi que de créer un environnement de travail propice à l’utilisation du français et de l’anglais.
« J’encourage les institutions fédérales à redoubler d’efforts pour s’assurer que les exigences linguistiques des postes sont établies de manière rigoureuse et objective. Je les encourage également à veiller à ce que les postes qui exigent de superviser des employés dans une région bilingue aux fins de la langue de travail soient désignés « bilingues » et dotés d’un profil linguistique CBC/ CBC, au minimum. »
Le gouvernement du Canada définit un profil CBC/CBC de la manière suivante : une personne dont la première langue officielle est le français doit posséder le niveau avancé pour la compréhension de l’écrit, intermédiaire pour l’expression écrite et avancé pour l’expression orale en anglais. Inversement pour une personne dont la première langue officielle est l’anglais.
Angela Cassie est consciente de l’importance d’avoir des personnes bilingues à des postes décisionnaires.
« J’œuvre pour les langues officielles, c’est un élément extrêmement important pour notre pays. Mais il faut bâtir une capacité, ça veut dire investir avec les employés francophones pour une plus grande compétence en anglais et pour les employés anglophones d’apprendre le français.
« Mais au-delà du bilinguisme, c’est aussi une question de représentativité. Souvent, les personnes issues des minorités visibles vont être embauchées pour des postes de première ligne. La réalité c’est qu’on ne voit pas beaucoup de gestionnaires dans le monde muséal ou culturel issus des minorités visibles. On voit le bassin de candidats s’agrandir parce qu’il y a une prise de conscience des barrières systémiques qui existent. »
Françoise Lyon précise que le CA ne précipitera pas l’embauche d’un candidat. « Par la loi, on peut nommer quelqu’un par intérim pour trois mois sans passer par le processus d’approbation gouvernementale. Si au bout de trois mois, on ne trouve personne, on peut renouveler la période.
« Je doute qu’on trouve quelqu’un en trois mois. On se donne un maximum de neuf mois pour trouver la personne permanente. »