La démocratie a pour principe fondamental d’en finir avec la dictature. En effet, pour que le peuple conserve le pouvoir, il faut à tout prix éviter qu’un dirigeant s’arroge tous les pouvoirs.

Par Antoine CANTIN-BRAULT

Un des mécanismes mis en place pour éviter ce funeste scénario est de tenir des élections à intervalles plus ou moins régulier.

Si cette façon de faire éloigne la dictature, en revanche les dirigeants construisent leur carrière sur des mandats plutôt que sur des legs. Ils font tout pour être élus à un moment précis de l’histoire et pour ce faire tablent trop souvent sur des préoccupations pressantes, mais passagères, qui ne règlent en rien les questions de fond. L’environnement fournit le meilleur exemple :

la situation actuelle commande des actions politiques qui doivent s’inscrire dans le long terme. Or la durée relative- ment courte des mandats ne s’y prête pas.

Cet apparent problème milite-t-il en faveur de l’utilité d’un monarque dans une démocratie constitutionnelle? On sait que la reine Elizabeth II fut une im- portante conseillère pour plusieurs dirigeants du Royaume-Uni. Elle assura une trame de fond au travers des figures démocratiques de passage. La monarque incarnait une autre temporalité, issue d’une autre époque, pensée pour sur- monter le temps politique ordinaire.

Voilà maintenant venu le tour du roi Charles III, connu pour sa sensibilité marquée aux problèmes environnementaux. Sera-t-il ce « champion » (défenseur) britannique, à même d’assurer une cohérence temporelle capable de sauvegarder l’environnement des déroutes dues aux décisions démocratiques ponctuelles?

Difficile à dire. D’autant plus que dans les faits, la Couronne britannique dis- pose au Royaume-Uni de très peu de pouvoir et encore bien moins dans les pays du Commonwealth. En théorie, la fonction de gouverneur général du Canada est importante. Parmi ses responsabilités : représenter le roi, commander les Forces armées canadiennes, convoquer et dissoudre le Parlement. Autant de responsabilités qui en font le dernier rempart politique contre un gouverne- ment corrompu. Mais il y a déjà des mécanismes démocratiques au Canada qui nous préservent de la dictature.

Le rôle du souverain britannique et de son représentant au Canada est donc essentiellement symbolique. Un symbole, pour en donner une définition très simple, est un renvoi. Le symbole évoque quelque chose d’autre, il se transcende. La monarchie au Canada est le symbole de sa tradition, de son histoire, de ses coutumes, mais aussi de son caractère colonisateur.

Malgré la complexité des questions constitutionnelles que cela implique,
il s’agit maintenant de se demander si la Couronne britannique correspond bien au cadre symbolique qu’il nous faut pour nous attaquer aux grandes questions de notre époque, les plus pressantes étant celles liées à l’environnement.

N’y aurait-il pas de meilleurs symboles, plus forts, plus engageants, pour motiver la génération actuelle? Sans aucun doute. Des symboles porteurs d’avenir et non de traditions sclérosées. En finir avec la tutelle symbolique britannique permettrait de démontrer la nature vrai- ment démocratique du Canada.