Après deux ans de restrictions sanitaires, les départs en vacances ont eu le vent en poupe cet été. Une reprise fulgurante des vols avec laquelle les aéroports et les compagnies aériennes ont eu bien du mal à composer.

Par Hugo BEAUCAMP

Pour beaucoup, les vacances commencent à l’aéroport. Ces derniers ont fait d’ailleurs beaucoup parler d’eux cet été, et pas qu’en bien. Files d’attente interminables, retards, annulations, les aéroports canadiens ont eu beaucoup de mal à sortir la tête de l’eau. 

À tel point, qu’au début du mois d’août, le comité des transports de la Chambre des communes a pris la décision d’enquêter sur ces problématiques qui perdurent depuis le début de la saison estivale. 

Après des mois d’activités perturbés en raison de la pandémie, les compagnies ont drastiquement réduit leurs effectifs. Par exemple, Air Canada, qui comptait 32 000 employés en 2019 n’en compte plus que 19 000 aujourd’hui. 

Les agences fédérales, notamment chargées de la sécurité et des douanes dans les aéroports, ont elles aussi beaucoup souffert de la pénurie de personnel. Par conséquent, à l’heure où les vols inter-nationaux vont bon train, cela n’a en rien aidé à améliorer la situation. 

Si la pénurie de personnel explique en grande partie les raisons de ces dysfonctionnements, selon le professeur John Gradek, directeur du programme de gestion de l’aviation à l’université McGill, l’explication est en réalité tripartite. « Lorsque les vols commerciaux ont pu reprendre normalement, la demande a été rapide et massive. 

Les compagnies aériennes ont alors tenté d’en profiter et se sont positionnées sur le marché de manière assez agressive. Ils ont doublé voire triplé le nombre de vols et de sièges. » Les compagnies aériennes n’ont pas pris assez de recul pour réaliser qu’elles n’avaient pas les moyens d’assurer ces vols. Ceci dit, les torts se partagent. Toujours selon le professeur Gradek : « En 2022, les aéroports ont cessé de garantir aux compagnies aériennes leurs plages horaires si ces dernières n’opéraient pas leurs vols. C’est une pression supplémentaire à laquelle les transporteurs ont été confrontés et qui pourrait expliquer leur positionnement agressif. » Soulignons d’ailleurs que ces perturbations ne sont pas endémiques au Canada, des incidents similaires ont été relevés un peu partout dans le monde, comme à Amsterdam, Paris ou Londres. 

| Conséquences pour les Manitobains

Ces perturbations ont évidemment eu des conséquences pour les Manitobains. Un mauvais souvenir sur lequel Ibrahima Diallo, professeur à l’Université de Saint-Boniface a accepté de revenir. 

Ibrahima Diallo. (photo : Marta Guerrero)

« Ma femme et moi avons quitté Milan pour rejoindre Montréal le 29 juin. Nous sommes arrivés à 18h30 et nous devions prendre un deuxième avion pour rejoindre Winnipeg », explique-t-il avant de poursuivre. « Un courriel nous avait été envoyé pendant notre vol, nous informant que notre correspondance avait été annulée. » 

Le courriel n’indiquait pas sur quel vol le couple avait été placé. Ibrahima et son épouse, Lise Gaboury-Diallo ont donc dû patienter près de deux heures avant de pouvoir s’entretenir avec un agent de la compagnie Air Canada. « Il y avait quatre guichets, mais seulement deux agents et une foule monstrueuse. On a fini par apprendre que le prochain vol pour Winnipeg partait le 1er juillet à 6h du matin. Il a donc fallu trouver un hôtel, ce qui n’est pas chose aisée à quelques heures de la fête nationale. » 

Deux nuits d’hôtel qui ont coûté pas moins de 600 $ et que la compagnie aérienne a catégoriquement refusé de prendre en charge. Finalement nos deux Manitobains ont atterri à Winnipeg à la date qu’on leur avait imposée sans encombre. Si Ibrahima Diallo en parle aujourd’hui avec légèreté, il se souvient tout de même d’une atmosphère tendue et d’une grande frustration. 

Dès leur retour chez eux, le couple, à la manière de bien d’autres voyageurs, a envoyé une lettre de réclamation auprès de Air Canada. « Ils nous ont offert 100 $ de dédommagement… » Un geste qui paraît ridicule compte tenu des frais engendrés par cette mésaventure.

| Contraire à la Loi

Les plaintes à l’encontre du transporteur sont nombreuses. Ce dernier est même accusé de contrevenir aux lois fédérales qui prévoient une indemnité pour les passagers dont le vol est annulé. 

En effet, selon la Charte canadienne des droits de passagers aériens, les voyageurs concernés peuvent prétendre à une indemnisation pouvant atteindre 1000 $ si l’annulation ou le retard est attribuable à la compagnie aérienne. Seulement Air Canada estime que sa pénurie de personnel est un problème qui relève de la sécurité des passagers. Par conséquent, selon le transporteur, la Charte, ici, ne s’appliquerait pas. 

Interrogé à ce sujet, l’Office des Transports du Canada (OTC) a déclaré ne pas pouvoir commenter cette « situation particulière ». En revanche, les voyageurs qui se sont vu refuser une demande d’indemnisation par leur transporteur, peuvent se rapprocher de l’OTC dont la mission est de traiter et résoudre, au cas par cas, les différends entre les passagers et les compagnies aériennes.

| Quid du tourisme? 

Ces pénuries, qui ont frappé le milieu du transport aérien, ont aussi eu un impact sur la saison touristique. À l’international mais aussi au Manitoba. 

Virginia Valdivia, agente de voyage à Winnipeg, témoigne des changements occasionnés. « C’est plus compliqué pour l’organisation des voyages. 

« En raison des licenciements, il y a beaucoup de nouvelles têtes dans les centres d’appels des lignes aériennes. Des vols retardés ou annulés, il y en a toujours eu. Mais pas autant. Les compagnies sont moins bien organisées. »

Si certains vols sont annulés occasionnellement, d’autres ont complètement disparu, comme le constate Virginia Valdivia : « Certaines destinations sont plus difficiles d’accès, par exemple la ligne directe reliant Toronto et Lima, n’existe plus. Il faut dorénavant faire une escale pour s’y rendre. » Enfin, inflation oblige, les prix eux aussi s’envolent, et ce, même pour les vols nationaux. « Un billet de dernière minute qui coûtait 800 $ avant la crise coûte désormais 1 500 $. »

Linda Whitfield. (photo : Gracieuseté)

Malgré cela, même si les chiffres ne seront disponibles qu’à partir de l’année prochaine, le tourisme au Manitoba semble relativement bien se porter. En particulier à Winnipeg. Linda Whitfield, vice-présidente et chargée de communication pour Voyage Manitoba, confie que les agents d’accueil de l’office du tourisme font état d’une forte fréquentation cette saison. Linda Whitfield donne pour exemple le Winnipeg Folk Festival, qui a accueilli cette année 74 000 festivaliers, faisant de cette édition la deuxième la plus fréquentée de l’histoire.

Quant aux raisons qui pourraient expliquer cette fréquentation, la vice-présidente développe : « Le faible taux de cas de COVID-19, la levée des restrictions dans la plupart des établissements et structures ont positivement affecté le tourisme à Winnipeg. 

« De plus, la réouverture des frontières américaines et la reprise des vols internationaux ont encouragé les gens à se déplacer à nouveau. »

Avec le retour des activités et évènements culturels ainsi que la perspective d’un verre en terrasse, rien de surprenant à voir les vacanciers s’attarder ici. Même si les tests aléatoires pour détecter la COVID-19 sont de nouveau de mise dans certains des aéroports (Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary) cela n’a pas freiné le flot de voyageurs étrangers sur le territoire.