Par Michel COMTE
Provocateur, adepte des formules choc et chantre d’un discours anti-establishment, le nouveau chef des conservateurs, le populiste Pierre Poilievre, promet de “redonner leur liberté” aux Canadiens.
Lunettes rectangulaires, cheveux bruns coiffés en arrière et cravates colorées, Pierre Poilievre, 43 ans, rêve maintenant de détrôner le Premier ministre Justin Trudeau, chef des Libéraux et au pouvoir depuis 2015. Les prochaines élections doivent avoir lieu dans trois ans.
“Je serai le Premier ministre canadien anti-woke”, a promis cet ardent défenseur du mouvement des camionneurs qui a secoué le pays l’hiver dernier en faisant le siège des institutions pendant trois semaines à Ottawa, notamment pour demander la levée des restrictions sanitaires.
Surfant sur cette vague populiste, il a aussi proposé de “retirer le contrôle de l’argent” aux banquiers et aux politiques pour “le rendre au peuple”. Et d’abolir la taxe carbone en vigueur depuis 2018 qui “punit les Canadiens”.
Né à Calgary, Pierre Poilievre grandit dans l’ouest canadien dans une famille adoptive. Il se passionne très tôt pour la politique et remporte pendant ses études universitaires un prix pour un essai sur le thème “Si j’étais Premier ministre, je ferais…”.
Elu à 25 ans, il est le plus jeune député de l’assemblée et a déjà été réélu six fois depuis en banlieue de la capitale fédérale Ottawa. Souvent comparé dans le pays à Donald Trump, il n’hésite pas s’en prendre verbalement aux médias.
De l’homme qui a été deux fois ministre avant l’arrivée au pouvoir des libéraux, Kim Bathija, une électrice de la banlieue de Toronto, retient le discours contre la vie chère.
“Personne n’aime qu’on lui dise ce qu’il doit faire, ou que son gouvernement ne puisse rien faire pour lui”, explique-t-elle à l’AFP évoquant les restrictions sanitaires pendant la pandémie de Covid-19 et la flambée des prix à la consommation.
– “Visage jeune et frais” –
Le tour de force de Pierre Poilievre est d’être perçu comme un “visage jeune et frais” malgré des années en politique, analyse Geneviève Tellier, professeure à l’Université d’Ottawa. Cette dernière note qu’il est également beaucoup plus charismatique que ses prédécesseurs.
“Situé très à droite” sur l’échiquier politique, “il veut mettre le parti conservateur en phase avec les provinces de l’Ouest et le secteur pétrolier et gazier”, ajoute-t-elle.
C’est un “populiste protestataire”, renchérit Frédéric Boily, professeur à l’Université de l’Alberta. Il a su exploiter la colère et les frustrations qui se sont faites sentir dans l’ouest canadien, riche en pétrole, avec la mise en place des mesures climatiques et se sont amplifiées avec les restrictions sanitaires.
Mais ce n’est “pas un idéologue”, s’accordent à dire les deux universitaires. “Poilievre ne parle pas de politique identitaire, comme Marine Le Pen en France, par exemple”, ajoute Frédéric Boily.
Son élection risque de déclencher des remous. Certains conservateurs plutôt progressistes ont déjà menacé de rendre leur carte du parti en pleine “crise d’identité” selon la sénatrice Marjory LeBreton.
La députée Michelle Rempel Garner, qui a soutenu un rival pour cette course à l’investiture, a dénoncé le “manque de consensus sur des dossiers fondamentaux” au sein du parti. Mais également une investiture marquée par un climat malsain – “campagnes de dénigrement, diffusion d’écoutes et de courriels confidentiels…”
Pour Tim Powers, responsable de l’institut de sondage Abacus Data et ancien conseiller conservateur, “Poilievre est populaire dans les cercles conservateurs et a le vent en poupe, mais face au grand public, il lui reste tout un nouveau chapitre à écrire”.
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