FRANCOPRESSE – Le Parti vert du Canada a lancé sa course à la chefferie le 3 septembre. Six candidats sont en lice : trois femmes et trois hommes. Alors que chacun cherche à instaurer une nouvelle ère après les tensions sous Annamie Paul l’an dernier, tous n’ont pas la même vision pour veiller à la protection de la langue française en situation minoritaire. Certains ont des propositions ou des pistes, d’autres pas du tout.

Inès Lombardo – Francopresse

Dans cette « incroyable course » à la chefferie du Parti vert, il y a trois Québécois, une Ontarienne, une Britannocolombienne et une Prince-Édouardienne.

L’élection de la chefferie se déroulera en deux tours par vote préférentiel des membres. Quatre candidats sur les six seront retenus lors du premier tour du 14 octobre, et le résultat final sera connu le 19 novembre.

Désaccords sur la cochefferie

Quatre des candidats dans la course se présentent en duo. Or, les membres du Parti vert n’ont pas encore voté sur le principe de cochefferie. La présence de duos dans la course, c’est « mettre les membres devant le fait accompli » et « l’antithèse de la démocratie participative » que le Parti vert essaie d’instaurer, selon le candidat Simon Gnocchini-Messier.

« Avec ce principe, nous réfléchissons à faire de la politique autrement, lance Chad Walcott. Nous voulons prendre des décisions avec ceux qui nous suivent. Je pense que le Parti vert a oublié l’importance de la mobilisation sur le terrain. Vendre des adhésions et demander des dons tous les quatre ans ne suffit pas, il faut une approche moins partisane. À deux, nous pensons pouvoir le faire, avec Anna [Keenan]. »

Le duo May-Pedneault mène une réflexion dans le même sens. L’ancienne cheffe du partie, Elizabeth May, assure que s’ils se présentent en cochefs, mais que les membres du Parti vert votent contre le principe de cochefferie, elle se pliera à leur volonté et laissera Jonathan Pedneault diriger seul le parti. « Mais je crois avoir vu une grande ouverture chez les membres », avance-t-elle.

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L’un des duos est composé d’Elizabeth May et Jonathan Pedneault. Actuelle députée fédérale de Saanich–Gulf Islands en Colombie-Britannique, Elizabeth May a été cheffe du Parti vert du Canada de 2006 à 2019. Jonathan Pedneault, nouveau en politique, est un ancien journaliste qui a couvert divers conflits dans le monde.

L’autre duo est constitué d’Anna Keenan, candidate verte dans la circonscription fédérale de Malpeque en 2019 et 2021 et ex-présidente du Parti vert de l’Île-du-Prince-Édouard, et de Chad Walcott, un Montréalais qui a été candidat vert aux élections provinciales québécoises de 2018 dans la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce.

L’un de leurs adversaires qui se lance seul est Simon Gnocchini-Messier, professeur de français langue seconde au ministère de la Défense nationale. Candidat néodémocrate en 2008, il a été directeur de campagne d’une candidate du Nouveau Parti démocratique en 2015 et s’est joint au Parti vert comme candidat aux élections fédérales de 2021 dans la circonscription de Hull-Aylmer.

Enfin, l’Ontarienne Sarah Gabrielle Baron, enseignante en études autochtones et militante pour les droits autochtones, s’est également lancée seule dans la course. Comme Jonathan Pedneault, elle se lance en politique pour la première fois.

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Le Parti vert du Canada est le seul parti à exiger de ses candidats un niveau B de français. De fait, les six candidats peuvent soutenir une conversation en français. Toutefois, ils n’ont pas tous de plan précis pour la francophonie, bien que tous s’inscrivent dans une défense de l’égalité des deux langues officielles.

Les candidats et la francophonie minoritaire

Chad Walcott assure que lui et Anna Keenan n’ont pas « nécessairement de politiques spécifiques » sur la francophonie canadienne minoritaire. « Au Canada, on se dit pays bilingue. Protéger nos communautés francophones à l’intérieur et à l’extérieur du Québec est une priorité », précise-t-il, assurant que des « investissements sont nécessaires dans les services de base dans les deux langues officielles ».

Selon lui, les investissements doivent être dirigés davantage vers les services en emploi pour les francophones ou « les gens en minorité dans leur langue maternelle ». En entrevue, le candidat souligne l’importance de revoir les stratégies d’immigration francophone.

Les plans d’Elizabeth May et de Jonathan Pedneault ne sont guère plus détaillés. En entrevue, l’ancienne cheffe des verts veut « donner une chance aux enfants canadiens de s’éduquer dans les deux langues officielles ».

Leur adversaire Sarah Gabrielle Baron met davantage l’accent sur la protection des langues autochtones : « Je pense que les francophones savent que plusieurs de ces langues sont en voie d’extinction. Ils ont l’expertise pour aider les Autochtones à conserver leur langue ».

Sur la francophonie, celle qui s’est spécialisée dans les études autochtones garantit qu’elle choisirait deux chefs adjoints, dont une femme francophone et une autre personne issue d’un groupe minoritaire.

Seul Simon Gnocchini-Messier a des propositions précises pour le français au Canada, qu’il souhaite étayer au sein d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Ce dernier viserait « l’égalité réelle entre le français et l’anglais en adaptant la Loi sur les langues officielles au XXIe siècle, afin de refléter toutes les réalités linguistiques des Canadiens et permettre aux francophones partout au Canada de travailler et de vivre en français ».

Parmi ses mesures phares, Simon Gnocchini-Messier cite des cibles d’immigration francophone à 25 % pour l’ensemble du Canada, 50 % au Nouveau-Brunswick et 90 % au Québec. Contrairement aux autres candidats, il souhaite toutefois un ralentissement global de l’immigration, qui selon lui accélère la croissance et la pression sur l’environnement.

Il garantirait le droit d’être servi et de travailler en français dans les entreprises de compétence fédérale et les régions à forte présence francophone, ainsi qu’une prime de bilinguisme de 5 000 $ par an pour les fonctionnaires fédéraux du niveau de français C.

Simon Gnocchini-Messier soutient qu’il veillerait à ce que les juges nommés par le gouvernement fédéral aient un niveau « intermédiaire avancé » en français.

Enfin, pour l’éducation postsecondaire, il s’assurerait que les institutions scolaires des communautés francophones de partout au Canada recevront « les fonds nécessaires à la création de services d’enseignement francophone de haute qualité ». Il injecterait des « fonds directs » dans les collectivités francophones du Canada « qui n’auraient pas reçu leur juste part de la part des gouvernements municipaux ou provinciaux ».

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La fin de l’ère May?

Sarah Gabrielle Baron et le duo Keenan-Walcott ont tous décrit l’ancienne cheffe et leur adversaire actuelle dans la course comme « une personne magnifique » dans le premier cas et « compétente » dans le second.

Mais ils pensent qu’il faut « passer à autre chose, souligne Chad Walcott. Son retour était un peu une surprise. Avec les tensions de l’an dernier et le départ d’Annamie Paul, je pense que les membres sont prêts à passer à autre chose. Ce qui manquait sous Mme May, c’était d’aller chercher d’autres leadeurs dans les membres pour bâtir avec eux. Il faut maintenant des rapports plus horizontaux. »

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