Par Valentine GRAVELEAU et Juliette MONTESSE – Agence France-Presse

Après une émouvante procession menée par ses enfants à pied, le cercueil de la reine Elizabeth II est arrivé mercredi à Westminster, où le public pourra lui rendre un ultime hommage jusqu’à ses funérailles lundi.

Après avoir quitté le palais de Buckingham sur un affût de canon tiré par des chevaux, le cercueil de la souveraine qui s’est éteinte jeudi dernier à 96 ans, reposera dans la plus vieille salle du Parlement britannique sur un catafalque, exposé jusqu’aux obsèques d’Etat.

Lors d’une procession solennelle au déroulé millimétré, le cercueil en chêne a quitté le palais de Buckingham à 13H22 GMT, suivi à pied, au rythme de 75 pas par minute, par ses quatre enfants, le roi Charles, la princesse Anne et leurs frères Andrew et Edward. Suivaient, côte à côte, les princes William et Harry, les deux fils de Charles aux relations difficiles, qui s’affichaient ensemble pour la deuxième fois depuis la mort d’Elizabeth II jeudi dernier en Ecosse.

Recouvert du Royal Standard, de la couronne impériale posée sur un coussin de velours violet et d’une couronne de fleurs blanches, roses et dahlias, accompagnées de feuillages des châteaux de Balmoral et de Windsor, le cercueil a effectué sa lente progression au son de marches funèbres de Beethoven, Mendelssohn et Chopin.

Le cortège a commencé par descendre le célèbre Mall, la prestigieuse artère qui relie le palais à Trafalgar Square au centre de Londres. Des milliers de personnes s’étaient massées sur le parcours.

Les Britanniques sont attendus par centaines de milliers pour aller se recueillir à Westminster au plus près de leur monarque adorée, unanimement saluée pour son dévouement total à la Couronne pendant son règne.

Pour l’occasion, Westminster Hall sera ouvert 24 heures sur 24, de mercredi 17H00 à lundi 06H30, jour des funérailles à l’Abbaye de Westminster. Mais il faudra s’armer de patience, avec de longues files d’attente qui pourraient s’étirer sur une quinzaine de kilomètres.

Mercredi, ils étaient déjà des milliers à patienter sur la rive opposée au Parlement. Les premiers arrivés avaient passé la nuit sur place.

“La nuit a été fraîche et humide, mais j’ai une petite chaise et un gros parapluie donc je suis resté à peu près au sec”, plaisante à l’avant de la queue Dan Ford, un policier retraité de 52 ans arrivé mardi après-midi.

– “Très sympa” –

Les conversations se nouent dans la file et avec les policiers présents, on s’entraide dans une ambiance bon enfant. Certains vont chercher des cafés, d’autres ont prêté leur sac de couchage. “C’est toujours comme ça avec ces événements royaux”, rigole Rob Paige, 65 ans. “Un temps épouvantable, mais très sympa!”

Le cercueil de la reine est arrivé mardi soir dans la capitale britannique et a passé la nuit au palais de Buckingham, où le roi Charles III et sa famille l’avaient accueillie.

Sur sa route pour rejoindre le centre de la capitale, le corbillard avait été acclamé par des milliers de personnes.

Tous les journaux britanniques publiaient en Une la photo du corbillard entrant dans le palais de Buckingham.

A partir du début de la procession, la plus grosse cloche de Big Ben a sonné toutes les minutes et des coups de canon ont été tirés au même rythme depuis Hyde Park.

Avant ses longs adieux au public londonien, le cercueil d’Elizabeth II a déjà été exposé pendant 24 heures à Edimbourg, de lundi soir à mardi. Parfois émues aux larmes, quelque 33.000 personnes ont patienté des heures durant pour aller se recueillir brièvement.

Roc de stabilité dans les crises et les changements, la reine a été une image rassurante pour des millions de Britanniques durant ses décennies sur le trône.

– Cote de popularité en hausse –

Mardi, le roi Charles III s’était rendu en Irlande du Nord, une étape délicate de son accession au trône.

“Avec un exemple brillant devant moi, et avec l’aide de Dieu, je prends mes nouvelles fonctions résolu à rechercher le bien-être de tous les habitants d’Irlande du Nord”, y a déclaré le monarque au Parlement local, à l’arrêt depuis des mois.

Après Londres, Edimbourg et Belfast, Charles III se rendra vendredi à Cardiff au Pays de Galles, dernière étape de sa tournée dans les quatre nations britanniques.

Sa cote de popularité est montée en flèche depuis son accession au trône. D’après un sondage YouGov publié mardi, trois personnes sur cinq pensent qu’il fera un bon roi, contre à peine plus de 30% il y a quelques mois.

Mais son agacement a été remarqué au moment de signer des documents officiels à Belfast, le roi, à l’emploi du temps extrêmement chargé depuis le décès de sa mère, s’énervant contre un stylo qui fuyait.

Tensions en Irlande du Nord, velléités indépendantistes en Ecosse, inflation galopante: Charles III, qui est plus âgé que tous les souverains britanniques au moment de leur accession au trône, s’installe dans ses fonctions dans un moment critique.

Alors que le pays est en proie à une grave crise économique et sociale, Clarence House, la résidence officielle de Charles quand il était encore prince, a confirmé que des licenciements étaient “inévitables” parmi le personnel alors qu’il devrait s’installer à Buckingham avec son épouse Camilla, reine consort.

– Défi logistique –

Hôtels complets, transports perturbés, pubs bondés… la capitale britannique se prépare dans la fébrilité aux funérailles du siècle, en présence de centaines de dirigeants et têtes couronnées, un énorme défi sécuritaire.

Pour voir le cercueil, le gouvernement a prévenu de “restrictions draconiennes”, dignes des aéroports. La presse évoque quelque 750.000 personnes prêtes à braver une attente qui pourrait se compter en dizaines d’heures.

Le trajet précis de la file d’attente publié par le gouvernement, s’étend le long de la rive Sud de la Tamise sur 15 kilomètres jusqu’au parc de Southwark, dans le Sud-Est de le capitale.

En 2002, ils étaient environ 200.000 à s’être recueillis devant le cercueil de la reine-mère Elizabeth, présentée au public pendant trois jours avant ses funérailles.

L’affluence devrait être bien plus grande encore pour les funérailles de la reine Elizabeth II, premières obsèques nationales depuis 1965 – celles de Winston Churchill.

Quelques pays, notamment la Russie, l’Afghanistan, la Syrie ou la Birmanie n’y ont pas été invités.

vg-jmo-spe/bd/am

© Agence France-Presse