Par Joseph SOTINEL et Véronique DUPONT – Agence France-Presse
Dans une atmosphère feutrée, une dizaine de musulmans de tous âges patientent pour signer un livre de condoléances pour la reine Elizabeth II, lors d’une cérémonie inter-religieuse organisée dans l’immense mosquée de Baitul Futuh, dans le sud de Londres.
Si ce titre était à l’origine dirigé vers la Chrétienté, Charles a fait valoir par le passé que lorsqu’il accèderait au trône, il se sentirait imparti de la responsabilité de défendre toutes les fois.
“Notre loyauté envers le roi” Charles III sera “aussi forte que celle dont nous faisions preuve envers sa majesté la reine”, assure Rafiq Hayat, président de la communauté britannique musulmane Ahamdiyya, lors de cette soirée au cours de laquelle s’est tenue une prière.
“Nous vivons dans un pays où la liberté de religion est réelle (…). Le monarque comme le gouvernement perpétuent cette liberté de parole, de croyance”, dit-il, interrogé par l’AFP.
Lors de son discours inaugural, Charles III n’a pas manqué de relever que pendant les 70 ans de règne de sa mère, “nous avons vu notre société devenir multiculturelle, et pluri-religieuse”.
Il devait d’ailleurs recevoir vendredi au palais de Buckingham les représentants des principales religions au Royaume-Uni.
– “Immense sentiment de sécurité” –
La monarchie britannique trouve ses racines dans la chrétienté, un caractère religieux symbolisé par le couronnement où Charles III sera oint d’une huile “sacrée” par l’archevêque de Canterbury.
Mais pour Ian Bradley, professeur de théologie à l’université de St Andrews interrogé par l’AFP, “le rôle du monarque est de maintenir l’unité de la nation de toutes sortes de façons, et notamment en termes de foi”.
Rami Ranger, président de l’association britannique des Sikhs, estime ainsi qu’en tant que monarque au-dessus des partis politiques, des religions ou des origines de ses sujets, la reine Elizabeth, très croyante, leur donnait à tous “un immense sentiment de sécurité”.
Pour Ian Bradley, le monarque britannique joue donc le rôle de “coeur spirituel” de la nation, et ce lien spirituel “un peu inconscient” s’est manifesté selon lui par “les termes religieux souvent choisis par beaucoup pour exprimer leurs sentiments envers la reine”.
“C’est très différent de la France, qui est très clairement un pays laïc”, admet-il.
Le Royaume-Uni a beau être devenu “largement une nation séculaire post-chrétienne, beaucoup de gens apprécient encore que le monarque ait une aura religieuse”, ajoute-t-il.
“Certains des plus fervents soutiens de la monarchie sont membres de minorités religieuses, notamment juive, sikh, hindoue”, dit-il.
– “Formidable relation avec le monde musulman” –
Il fait valoir que si le roi Charles est un chrétien pratiquant qui “va à l’église tous les dimanches”, il “s’intéresse à l’islam, à la spiritualité en général”.
Tout comme ses prises de positions pour la défense de l’environnement résonnent avec les préoccupations de la jeunesse, cet attrait pour les religions en général pourrait faire de Charles III un monarque en phase avec le Royaume-Uni d’aujourd’hui.
Chez les chrétiens, il a notamment montré son goût pour la religion orthodoxe, et fait plusieurs retraites dans des monastères du mont Athos en Grèce.
Il a ému la communauté juive britannique en se rendant en Israël – ce que sa mère n’a jamais fait – même si ce n’était pas dans le cadre d’une visite officielle. Il a aussi commandé des portraits de survivants de l’Holocauste, un geste de mémoire également apprécié.
Le roi Charles, observe pour sa part Rafiq Hayat, a eu en tant que prince “une formidable relation avec le monde musulman, il a loué les enseignements de l’islam et fait référence de nombreuses fois à des vers coraniques”.
“Nous pensons qu’il sera un très bon leader pour les musulmans et qu’il rassemblera les différentes croyances”, notamment parce que vu sa stature “quand il parle, les gens écoutent”, et “cela aura beaucoup de poids dans les relations entre le monde musulman, le monde chrétien et le monde juif”.
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