Depuis le 1er octobre, toutes les restrictions à l’entrée en sol canadien liées à la COVID‑19, ainsi que des exigences en matière de dépistage, de preuve de vaccination, de quarantaine et d’isolement pour toute personne entrant au Canada, ont été levées. Une décision discutable scientifiquement quand, dans le même temps, un nouveau vaccin a commencé à être administré.
Par Jonathan SEMAH
C’est un nouveau stade important, désormais passé, dans la gestion de la pandémie au Canada. Le gouvernement du Canada justifie cette levée des restrictions par plusieurs facteurs : le pic des sous‑variants BA.4 et BA.5 d’Omicron est dépassé, les taux élevés de vaccination au pays, ou encore les taux d’hospitalisations et de décès à la baisse.
La professeure en immunologie et virologie Julie Lajoie reste dubitative face à cette décision. Selon elle, un des points de cette levée des restrictions ne passe pas. En effet, en plus de cette décision, Transports Canada a abrogé une autre exigence : le port du masque à bord des avions et des trains.
« D’un point de vue médical et scientifique, ça ne se justifie pas. On sait que dans les trains ou les avions, la ventilation n’est pas excellente et les taux de CO2 sont élevés, rendant la transmission des virus aérosols comme la grippe ou la COVID plus facile. En enlevant le port du masque obligatoire, on augmente vraiment le risque de contamination pour les employés et les passagers », développe Julie Lajoie, qui aurait aussi conservé au moins la preuve de vaccination.
L’experte appuie également sur le moment choisi pour faire ces changements. En application depuis le 1er octobre alors que la saison froide s’en vient, Julie Lajoie pense que ce n’était pas le bon temps pour relâcher les restrictions.
« C’est probablement l’un des pires moments pour ce genre de décision. On va rentrer dans les moments les plus froids et l’on voit déjà des taux de COVID- 19 et de grippe en hausse dans certaines provinces. On était déjà dans un temps où il n’y avait plus d’obligations sanitaires, mais seulement des recommandations. Tout cela fait qu’on arrive en plein inconnu pour l’automne. »
Julie Lajoie rappelle tout de même que nous vivons toujours en pandémie et que le choix du gouvernement du Canada est un pari risqué. « Quand on a enlevé plusieurs restrictions au mois d’avril, il est vrai que l’impact a finalement été minime, mais à ce moment-là, il faisait beau et plus chaud. Le message envoyé est selon moi assez paradoxal, assez difficile à suivre. D’un côté, on nous explique qu’il faut enlever des mesures, mais de l’autre, qu’il faut rester prudent et se protéger. »
| Un nouveau vaccin bivalent
Le paradoxe et l’interrogation vont même un peu plus loin. Alors que les restrictions sautent les unes après les autres, plusieurs provinces canadiennes ont commencé au moins de septembre à distribuer à la population un nouveau vaccin, un vaccin bivalent. En date du 19 septembre, 3 216 doses de vaccin bivalent avaient été administrées au Manitoba.
Le Dr Philippe Lagacé-Wiens, spécialiste en microbiologie médicale, diagnostic et développement des maladies infectieuses, explique ce qu’est ce nouveau vaccin. « Un vaccin bivalent contient deux antigènes. Dans le cas du vaccin bivalent donné au Canada, il inclut deux séquences d’ARN légèrement différentes. Une qui représente le vaccin original de Moderna et l’autre qui représente la protéine Spike du variant Omicron, spécifiquement le sous-variant BA.1. C’est donc une dose divisée en deux, mais qui n’en est pas moins efficace. En effet, il est proposé en tant que dose de rappel et n’a donc pas besoin d’être aussi grand qu’une dose originale. »
Même si ce vaccin bivalent vise BA.1, le Dr Philippe Lagacé- Wiens explique aussi qu’il offre une protection assez robuste contre les variants BA.4 et BA.5 car ils sont assez semblables. Le spécialiste rappelle aussi que l’intervalle minimum entre deux doses avec ce vaccin bivalent est de trois mois et la recommandation reste de six mois.
Comme les autres vaccins, la question de la sécurité reste centrale. À ce sujet, le Dr Philippe Lagacé-Wiens se veut rassurant, précisant que le vaccin bivalent emprunte une formule déjà connue et approuvée.
« On se sert principalement des preuves qui existent déjà avec le vaccin original. Les substances sont essentiellement les mêmes. Les recherches et les précautions d’usage ont été tout aussi rigoureuses pour ce vaccin que les précédents. »
Ce nouveau vaccin bivalent démontre aussi la voie saisonnière que pourrait prendre la COVID- 19. En effet, comme pour la grippe, un vaccin légèrement modifié en raison de l’arrivée de nouveaux variants pourrait être proposé chaque année. « Je ne peux pas l’assurer, évidemment. Mais j’anticipe des mutations dans le coronavirus qui vont faire que le vaccin sera adapté d’une façon périodique. J’anticipe donc des mises à jour assez courantes, et probablement une recommandation d’immunisation annuelle ou tous les deux ans. »