Si elle est connue comme le loup blanc par presque tou.te.s les immigrant.e.s francophones du Manitoba, c’est parce que Brigitte Léger excelle dans le secteur de l’immigration francophone depuis plus de 15 ans. Elle a quitté son poste de conseillère en immigration au CDEM le 1er septembre 2022 pour commencer une nouvelle aventure professionnelle à l’AMBM. Le point sur ses 15 dernières années d’expérience et d’apprentissage. 

Par Morgane LEMÉE – Collaboration spéciale

Cela fait plus de 15 ans que vous travaillez dans le secteur de l’immigration francophone au Manitoba. Comment tout a commencé? 

À l’époque, je travaillais déjà pour le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), sous la direction de Mariette Mulaire. J’ai coordonné le Corridor touristique francophone de l’Ouest (CTFO), une initiative touristique pour les communautés francophones des quatre provinces de l’Ouest, pendant cinq ans. Puis, quand Mariette Mulaire a créé l’ANIM (Agence nationale et internationale du Manitoba), elle m’a demandé de venir avec elle. Elle voulait vraiment créer ce dossier immigration francophone, qui avait déjà commencé avec le CDEM, mais plutôt avec des personnes d’affaires. Là, avec l’ANIM, l’idée était de travailler avec la province et avec tous les immigrants francophones, dans tous les volets. Ça a vraiment pris un tout autre élan.

Ça a dû être tout un nouveau défi… 

Oh que oui! (rires) Quand Mariette Mulaire m’a demandé de prendre le dossier d’immigration, j’ai dit : Quoi?! (rires). J’avais beaucoup à apprendre. Mais justement, tout s’apprend. Et j’ai trouvé ça fascinant. J’ai beaucoup aimé. Dans mes expériences passées, j’ai vendu la francophonie de notre province pendant longtemps, en tourisme surtout. Je pense que ça m’a beaucoup aidée à nous faire rayonner, mais à un différent niveau. 

Quelques années plus tard, l’ANIM est devenue le World Trade Centre et le dossier immigration y est resté. On a créé un partenariat très intéressant avec la province du Manitoba. On a démontré qu’on était sérieux à recruter et à aider les immigrants francophones. Le dossier n’a fait que grandir dans les derniers 15 ans. 

Et puis en décembre 2017, le dossier de l’immigration francophone a été transféré au CDEM… 

Oui, car le CDEM avait développé un beau programme d’employabilité. Ça permettait de travailler plus de concert avec tout ce qui touche aux besoins des immigrants. C’était un meilleur fit. Ça a aussi permis une entente officielle et signée avec la Province, et toute une évolution. 

Pourquoi tant d’affection pour ce secteur d’activités? 

Tout d’abord, les nouveaux défis m’ont toujours intéressée. Et puis j’ai trouvé une passion. On a l’opportunité de rencontrer des gens de partout. J’ai trouvé ça fascinant, vraiment. Ça m’a donné beaucoup de satisfaction personnelle d’aider les gens dans une procédure qui est tellement importante dans leur parcours de vie. Quand on parle d’immigration, c’est sérieux. C’est un très grand changement. De faire partie de ça, ça m’a donné beaucoup de satisfaction et permis de rencontrer beaucoup de gens incroyables. 

Vous avez mentionné que le dossier n’a fait que grandir dans les 15 dernières années… 

On savait qu’il y avait beaucoup d’opportunités d’expansion, c’était sûr. Mais je ne pense pas qu’on réalisait à quel point. Il y a 15 ans, les gens connaissaient le Canada et le Québec, mais pas vraiment le Manitoba. Et puis il y a eu beaucoup de bouche-à-oreille. Ça a fait explosion comme on n’aurait jamais pu imaginer. Depuis quelques années, on se demande même si on a besoin de faire de la promotion tellement on a de candidats! Beaucoup plus qu’on ne peut en accepter. 

À ce point? 

Des années plus tard, j’avais tellement de demandes au bureau du WTC, qu’on a dû arrêter le programme pendant deux ans. C’est là qu’on a négocié avec la Province la création d’un bassin de demandes de visites exploratoires, il y a trois ans. Chaque mois de novembre, on crée un nouveau bassin et si les candidats n’ont pas été sélectionnés, on recommence tout. Il y a quelques mois, il y avait déjà plus de 10 000 demandes dans ce bassin. On a des gens de partout dans le monde. Pour repère, en 2007, pour ma première année, j’ai fait neuf ou dix visites exploratoires. L’année dernière, près de 300 visites exploratoires ont été données. Il faut savoir qu’environ 50 ou 60 candidats de ce bassin sont sélectionnés par mois, mais tout le monde ne qualifie pas aux exigences du programme. Environ la moitié qualifiera. C’est comme gagner à la loterie. C’est là où on est rendus.

Pourquoi cet attrait croissant pour le Manitoba? 

On attire beaucoup pour l’expérience bilingue. Et ce qu’on a de spécial comparé aux autres provinces, c’est notre programme d’immigration. Normalement, pour qualifier, on doit avoir une offre d’emploi. Le Manitoba est peut-être parmi deux provinces, si ce n’est la seule au Canada, où c’est possible d’être sélectionné et de passer à travers la procédure d’immigration sans offre d’emploi. C’est parce qu’on a une des meilleures économies au pays. On sait que les gens vont pouvoir trouver du travail. Et puis nous avons une francophonie concentrée, pas comme en Alberta ou en Colombie-Britannique, par exemple, où on trouve plus de francophones, mais éparpillés partout. Je crois qu’on a plus de visibilité et d’offres pour vivre en français socialement. 

Qu’aimeriez-vous voir changer dans le secteur de l’immigration francophone? 

J’ai une wishlist! (rires) Une chose que j’aimerais voir, c’est d’avoir plus de contrôle sur le choix des immigrants. À ce jour, c’est la Province qui sélectionne les candidats. Il y a une grande ouverture pour travailler avec la francophonie et augmenter le nombre de francophones qui arrivent chez nous. Je pense qu’on gagnerait à pouvoir sélectionner les candidats dans les bassins et aller chercher des profils spécifiques, en fonction des besoins identifiés dans nos communautés bilingues. D’ailleurs, pour-quoi ne pas voir un jour nos communautés bilingues gérer leur propre programme d’immigration? Ce serait un grand souhait. Il y a certainement des communautés qui sont prêtes. 

Vous allez justement pouvoir travailler avec les municipalités bilingues grâce à votre nouveau poste… 

Oui, c’est le temps pour un nouveau défi, toujours dans l’immigration francophone. C’est presque comme une suite logique. L’AMBM a créé une nouvelle stratégie en immigration qui met le focus sur les communautés au rural, pour identifier leurs besoins, les préparer pour l’immigration, comprendre son importance… On parle de logement, de transports, d’accès à l’internet… Tout ça, c’est important pour accueillir et attirer des immigrants. Si on travaille avec les communautés pour bien accueillir et retenir les immigrants, on aura une communauté francophone encore plus forte dans notre province. En tout cas, c’est un mandat bien différent.