FRANCOPRESSE – Début septembre, l’Office national du film du Canada a lancé l’École des médias, un atelier en ligne qui apprend aux élèves de 13 à 18 ans à créer des récits numériques. Les enseignants francophones en milieu minoritaire saluent cette nouvelle plateforme d’éducation aux médias, qui contribue à la préservation du français et permet de lutter contre l’insécurité linguistique.
Marine Ernoult – Francopresse
Permettre aux jeunes en situation minoritaire de se voir et s’entendre à l’écran pour reprendre confiance en eux, de se raconter, de raconter l’histoire de leur communauté. C’est l’objectif de l’École des médias, un atelier lancé en septembre dernier par l’Office national du film du Canada (ONF), sur son portail éducatif Campus.
Grâce à ce nouvel outil en ligne, les adolescents de 13 à 18 ans peuvent créer leurs propres récits numériques, seuls ou en équipe, en classe ou depuis chez eux. Ils apprennent les rudiments de la production numérique grâce à onze modules ainsi qu’une centaine de vidéos et d’activités interactives. Recherche de sujets, prise de vue, montage, écriture de la narration, éthique numérique, droit d’auteur, droit à l’image et diffusion, toutes les étapes, de la création à la production, sont abordées.
« C’est une plateforme pédagogique bien structurée, extrêmement riche, parfaitement adaptée aux besoins et aux réalités locales de la jeunesse francophone en situation minoritaire » salue Nicole Blundell, enseignante au sein de la concentration Cinéma et télévision du Centre d’excellence artistique de l’Ontario, qui a testé le prototype avec ses élèves en 2020.
Raconter son intimité avec son accent
Aux yeux de l’artiste pédagogue, il s’agit d’un « outil exceptionnel » pour lutter contre l’insécurité linguistique d’élèves qui ont souvent peur de s’exprimer à l’oral, par manque de vocabulaire.
« L’École des médias leur donne la chance de raconter leurs histoires avec leur accent, leurs mots. Ils peuvent verbaliser leurs émotions, partager les récits intimes de leur famille, que ce soit les parcours d’immigration ou la perte du français au cours des générations », se réjouit la Franco-Ontarienne. Et d’ajouter : « Ça fait le lien entre l’école et le reste de la communauté. Le français devient cool et bien vivant à l’extérieur des salles de classe. »
Donner les clés pour se raconter en images, c’est précisément la raison pour laquelle Paul Tom s’est engagé dans l’École des médias. Le cinéaste a participé à la conception de l’atelier et agit à titre de mentor à l’écran. Il accompagne les apprenants de A à Z, explique les notions techniques en voix hors champ, livre son expérience et donne de nombreux conseils.
« Mes premiers films évoquaient mon déracinement, ma double identité à cheval entre le Canada et le Cambodge. C’est en parlant de son expérience personnelle qu’on arrive à faire comprendre les réalités de sa communauté et à toucher à l’universel », confie le réalisateur.
Fabriquer des images
L’initiative de l’ONF est d’autant plus importante à l’heure où les jeunes sont confrontés à un flot d’images quasi continu. Selon Nicole Blundell, « on doit leur apprendre comment on fabrique ces images, afin qu’ils prennent conscience de la manipulation dont elles peuvent faire l’objet. Cela les aidera à regarder le monde autrement, à décoder tout ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux et dans les médias ».
« En se frottant à la matière et en réalisant eux-mêmes de petits films numériques, ils vont mieux comprendre le pouvoir des images, l’importance de l’écriture et du montage, renchérit Paul Tom. L’ordre dans lequel on place les images, le temps qu’on passe sur chacune d’elle, tout cela a un impact sur notre perception en tant que spectateur. »
Cet outil d’éducation à l’image peut être utilisé dans la plupart des disciplines, et s’intègre à tous les programmes d’enseignement. « C’est l’un des avantages. Les enseignants peuvent embarquer à la carte et choisir de faire seulement un ou deux modules », précise Paul Tom.
Peu importe ce qu’ils décideront, Nicole Blundell insiste sur le rôle que l’École des médias joue dans la préservation du français en situation minoritaire : « Les jeunes forgent des liens affectifs avec la langue. En créant ces mini-œuvres d’art, il y a plus de chances qu’ils choisissent de vivre en français à l’âge adulte. »