La campagne pour les élections municipales se poursuit et au coeur de beaucoup de discussions se trouve l’enjeu des infrastructures. Mais notre vision devrait être repensée. C’est en tout cas ce que suggère Michel Durand Wood, résident du quartier d’Elmwood qui s’intéresse de près à la politique municipale depuis 2018.
Par Ophélie DOIREAU
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Propriétaire du blog DearWinnipeg.com, Michel Durand Wood a récemment publié une chronique dans les pages du Winnipeg Free Press au sujet de la gestion des infrastructures par la ville de Winnipeg.
C’est par envie de sensibilisation et d’éducation que Michel Durand Wood a décidé d’écrire au sujet de la Ville de Winnipeg. « La politique municipale touche la vie de tous les jours. Si tes ordures ne sont pas ramassées, tu vas le voir tout de suite. Pareil si de l’eau brune sort de ton robinet. La politique municipale, c’est ta vie quotidienne.
Michel Durand Wood s’est particulièrement intéressé aux infrastructures pour cette élection municipale de 2022. « Quand j’ai ouvert mon blog, ce n’était pas pour dire que je détenais la vérité absolue. Mais bien pour ouvrir une conversation pour que nous fassions les bonnes décisions.
« L’aspect qui manque souvent dans les discussions actuelles c’est l’aspect financier. Oui, certains lancent des chiffres. Mais ça ne veut rien dire pour les gens.
« Souvent le débat est réduit à : Est-ce qu’on doit prélever plus d’impôts? Ou est-ce qu’on a mal géré le budget? Réellement, ce n’est prendre qu’un aspect du problème.
« Ces deux arguments partent du postulat qu’on est capable de payer pour ce qu’on a construit. Sauf que la première question avant tout c’est : Est-ce que c’est même possible de payer pour ce qu’on a? Qu’importe si on coupe ou si on augmente : C’est quoi le montant dont on a besoin? »
| Des calculs parlants
Avec ce pas de recul, Michel Durant Wood a alors fait le calcul pour les Winnipégois pour comprendre ce montant dont la Ville a besoin pour assumer les coûts de ses constructions. « Selon les rapports de la Ville, nous possédons environ 8 300 kms de routes au total, qui nécessitent toutes un entretien périodique et, à terme, un remplacement complet.
« L’argent dépensé l’année dernière, c’est-à-dire 152,2 millions $ nous a permis d’entretenir 113,8 kms de voies et d’en remplacer 32,8 kms. À ce rythme, chaque route fera l’objet d’un entretien tous les 73 ans, et d’un remplacement complet tous les 253 ans.
« Pour aligner ces chiffres sur la durée de vie réelle des chaussées, un entretien tous les 10 ans et un remplacement tous les 50 ou 60 ans, il faudrait dépenser environ 600 millions $ de plus par an qu’en 2021. »
Michel Durand Wood tenait absolument à faire le calcul pour orienter la discussion dans le bon sens. « Si le chiffre nécessaire n’avait pas de sens et qu’il n’était jamais possible de l’atteindre, c’est une conversation différente qu’on devait avoir comme citoyens parce qu’on manquait le vrai enjeu.
« Le chiffre de 600 millions $ ne fait pas de sens. Alors maintenant, certains diront qu’il faut réduire le budget. Mais pour réduire le budget d’autant, il faudrait éliminer complètement le service de police et tout le service d’incendie et d’ambulance, en plus de fermer le service des services communautaires (celui qui s’occupe des bibliothèques, des piscines et des centres récréatifs).
« D’autres pensent plutôt que nous avons un problème de revenus. Mais pour financer 600 millions $ supplémentaires par an, il faudrait augmenter les impôts fonciers d’environ 100 %. Le double de nos impôts. Juste pour les routes.
« Et la Province, ou le gouvernement fédéral? Au niveau provincial, nous aurions besoin d’une augmentation de la TVP d’environ 3,5 % pour que notre part par habitant soit égale à 600 millions $. »
C’est alors un système de solvabilité qui se joue. À l’heure actuelle, Michel Durand Wood montre que « aujourd’hui, si la Ville vendait tous ses actifs, il manquerait quand même environ 859 millions $. Presque un milliard $. C’est un problème qui grandit d’année en année. »
| Et les solutions ?
Outre avoir alerté sur ce problème, comme citoyen engagé, Michel Durand Wood propose des pistes de solutions qui doivent être réellement discutées pour offrir les meilleures chances à Winnipeg. « Dans les derniers 80 ans, quand on bâtissait quelque chose pour de la croissance économique, est-ce que c’était suffisant pour couvrir les frais et avoir un retour sur cet investissement?
« Les décisions prises dans les dernières 50 années sont le problème dont on doit s’occuper aujourd’hui. On ne peut pas se concentrer sur les décisions des cinq dernières années. Un investissement doit se penser sur du long terme. Mais plus que sur 10 ans.
« Si nous ne pouvons pas nous permettre d’assurer les routes que nous avons déjà, nous ne devrions pas en ajouter.
« De plus, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que davantage de personnes utilisent moins de routes, afin de maximiser la durée de vie de nos investissements existants. Pour y parvenir, il faudra faire en sorte que davantage de personnes utilisent les transports actifs et les transports en commun, planter des arbres dans les rues, ralentir la circulation là où les gens marchent et rapprocher davantage de personnes et de destinations grâce à des aménagements à usage mixte. »
Pour Michel Durand Wood tout réside dans notre conception de la ville. Une ville devrait être pensée à taille humaine et non à plus grande échelle. « Quand on parle de transport en commun, d’arbres, on ne parle jamais des avantages économiques de ces projets d’investissements.
« Pourtant plusieurs études le prouvent : pour chaque $ dépensé pour avoir planté un arbre, il y a un retour sur investissement de 8 $. C’est un retour plus important que de construire une route qui produit un retour sur investissement d’1,80 $ pour chaque $ dépensé.
« De plus avoir des arbres permet de faire de l’ombre sur les routes et de les préserver de la chaleur. Ce sont des arguments économiques qu’il faut développer pour que ces projets gagnent plutôt que des projets d’investissements.
« Évidemment, ça va prendre du temps pour changer cette conception d’une ville. Mais si on ne change pas cette vision on s’en va vers quelque chose qui n’est plus soutenable. Voyons ce qui se passe à Détroit, c’est ce vers quoi pourrait se diriger la Ville de Winnipeg, si on ne réagit pas et qu’on ne change pas d’optique. »