Pour lutter contre la cyberfraude, la Clinique de cyber-criminologie, une initiative de l’Université de Montréal, vient de sortir une plateforme où les francophones du Canada peuvent signaler les fraudes qu’ils repèrent (1). Un outil qui s’inscrit dans une volonté de créer une lutte solidaire contre les cybercriminels.

Par Ophélie DOIREAU

Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté

Qui n’a jamais reçu un appel pour l’avertir que son numéro d’assurance social était expiré? Ou bien un courriel pour les informer qu’ils ont été sélectionnés pour remporter un Ipad? Désormais, il est possible de signaler toutes ces fraudes sur Fraude-alerte.ca. Fraude-alerte.ca est le résultat d’un constat simple comme l’explique Akim Laniel-Lanani, cofondateur et directeur des opérations à la Clinique de cyber-criminologie.

« Fraude-alerte, c’est une plateforme qui a été développée et pensée pour répondre à la personnification des cyberfraudes qu’on peut rencontrer en ligne. C’est vraiment important d’avoir cette plateforme pour les Canadiens francophones pour qu’ils puissent retrouver plus efficacement, plus facilement les informations d’une cyber-fraude au Canada. »

Fraude-alerte est aussi un outil qui se veut simple d’utilisation pour toucher le maximum de personnes, un point sur lequel insiste Akim Laniel-Lanani. « Pas besoin de se créer un compte utilisation. Il suffit de rentrer sur le site et de rentrer les informations de la fraude qu’on vient de constater que ce soit par téléphone, par message, par courriel ou encore sur un site.

« Si la personne le signale, son action va permettre à une autre personne d’éviter d’être potentiellement victime de la même fraude. Parce qu’en plus de signaler, les personnes vont pouvoir consulter toutes les fraudes que les utilisateurs ont déjà repérées. C’est cet aspect qui différencie Fraude-alerte des autres plateformes.

| Pour une meilleure intelligence

« Quand on signale une fraude au Centre anti-fraude, ce signalement va permettre d’alimenter du renseignement criminel qui va ensuite être diffusé à la police et le Centre va mettre à jour les grandes techniques de cybercrimes. Mais il ne va pas diffuser des informations comme le nom d’utilisateur du fraudeur, le courriel ou le numéro de téléphone qui pourraient prévenir d’autres personnes en cas de tentative de fraude. »

Des données précieuses qui vont alors permettre aux personnes d’être mieux équipées lorsqu’elles ont un doute. « La beauté de cette plateforme, c’est que toutes nos pages sont indexées dans les moteurs de recherche. Il n’est donc pas nécessaire de connaître notre site, si une personne rentre certaines informations, certains mots-clés, elle va tomber sur une page de Fraude-alerte. L’internaute va donc être davantage vigilant sur le site sur lequel il navigue ou bien envers la personne qui a tenté de communiquer avec lui.

« C’est vraiment une volonté de rendre le plus accessible possible les données qui vont permettre l’identification rapide d’une cyberfraude. »

Si la plateforme est en ligne depuis la fin octobre, c’est un projet qui a longtemps été voulu par la Clinique de cyber-criminologie comme l’indique Akim Laniel-Lanani. « On avait pensé à un forum où tout le monde pouvait interagir les uns avec les autres pour créer cette communauté pour s’entraider, intervenir et mieux prévenir les cyberfraudes. Mais ce n’était pas assez fonctionnel pour les utilisateurs.

Exemple d’une fraude suspectée. Sur le site de Fraudealerte, on peut trouver la définition d’une arnaque locative et comment elle fonctionne. « La plupart des arnaques à la location consistent à convaincre un candidat locataire d’envoyer une somme d’argent pour réserver un logement, puis à ne pas donner suite à la demande. D’autres arnaques se traduisent en usurpation d’identité à partir du dossier locataire envoyé avant la visite. » (photo : capture d’écran du site web Fraude-alerte.ca)

| Une collaboration avec la France

« On est allé chercher d’autres idées pour commencer à construire cette plateforme. On a découvert Signal-Arnaques, la plateforme française qui est pertinente pour la communauté francophone en Europe, ce sont les créateurs de Signal-Arnaques qui ont construit la plateforme de Fraude-alerte. Certains francophones du Canada faisaient des signalements sur Signal-Arnaques et se retrouvaient noyés parmi tous les signalements des francophones européens. On voulait un outil pour les francophones du Canada.

« Fraude-alerte a une dimension supplémentaire puisqu’il y a une modération humaine. Des étudiants de la Clinique de cyber-criminologie et des analystes vont regarder les commentaires et les signalements pour donner les conseils pertinents selon le cas. On va aussi les rediriger vers les ressources pertinentes pour les aider avec leur cas. »

Pour démarrer leur plate-forme, en avril, la Clinique de cyber-criminologie est allée chercher les signalements des francophones du Canada sur la plateforme Signal-Arnaques pour les extraire et les rendre disponibles sur Fraude-alerte. Tout en protégeant l’identité des personnes.

| Des statistiques nécessaires

Des étudiants de la Clinique travaillent également à la surveillance des fraudes pour les rapporter. Akim Laniel-Lanani voit en cette plateforme une occasion de repenser le statut de victime.

« Lorsqu’on est victime d’une agression physique, on va, généralement, aller le signaler à la police. Mais lorsque ça se passe en ligne, on n’est pas porté à en parler à la police. Les gens croient souvent que la police ne peut pas les aider. C’est un frein à la prévention et aux données statistiques.

« Nous, on veut que les gens comprennent que signaler la fraude va forcément aider autant au niveau des statistiques qu’au niveau de la prévention des autres potentielles victimes.

« Un travail de solidarité est nécessaire pour freiner la cybercriminalité. On veut créer un mouvement de communauté, les gens ne sont pas seuls. »

Daniel Boucher, directeur général de la Société de la francophonie manitobaine (SFM), voit en cette initiative, un outil pertinent pour les francophones. « Quand on peut avoir des outils en français qui peuvent appuyer les utilisateurs, c’est toujours une bonne chose.

« La plateforme est simple d’utilisation. On espère pouvoir la diffuser dans nos réseaux pour que les gens en prennent connaissance.

« La cybersécurité prend de plus en plus de place dans nos vies. C’est un dossier sensible alors avoir des outils pareils en français ne peut qu’être une bonne nouvelle. »

La SFM avait reçu en avril 2021, 300 000 $ de la Province disponibles sur trois ans. Ces fonds étaient destinés aux victimes de crime. Les cybercrimes sont compris dans la définition.

(1) Les différents types de fraudes : faux profils de personnalités, arnaque locative et/ou de vacances, amoureuse, à l’investissement (traditionnel et cryptoactifs [cryptomonnaie & NFT]), à l’emploi, à l’immigration, aux petites annonces, aux faux prêts d’argent, aux influenceurs, à l’abonnement piégé, au soutien technique, fausses publicités, à la livraison de colis, à l’animal de compagnie, à la loterie et aux faux concours et l’hameçonnage (phishing, vishing, smishing, etc.)