Si la réconciliation passe par l’enseignement, les curriculums ont besoin d’être mis à niveau en impliquant les perspectives autochtones, pas seulement en histoire.
Par Ophélie DOIREAU
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Joël Tétrault, enseignant en perspectives autochtones à la Division scolaire Louis-Riel, regrette la manière d’aborder l’histoire canadienne dans les curriculums scolaires réguliers. « En 5e et 6e année, le curriculum met l’accent sur l’histoire canadienne. Mais les perspectives autochtones ne sont pas explicitées dans le curriculum pour comprendre quelles directions peuvent prendre les enseignants.
« Le curriculum d’histoire [tel qu’il existe depuis des années] donne beaucoup de place à l’histoire après les premiers contacts avec les peuples autochtones. Il y a très peu de place réservée au système économique, politique, social ou encore de gouvernance des peuples autochtones avant l’arrivée des Européens. »
Si cette perspective manque, c’est parce que le curriculum scolaire a été construit avec un biais. « Les curriculums sont écrits généralement par des personnes blanches non autochtones. Ils vont se baser sur ce qu’ils ont appris à l’école.
« Les enseignants ne sont pas éduqués dans les sociétés autochtones avant l’arrivée des Européens. Il y a un manque sur comment inclure les perspectives autochtones dans l’enseignement. »
Joël Tétrault pointe à quel point le vocabulaire a un rôle à jouer dans l’histoire. « La perspective des Autochtones sur la colonisation a longtemps été ignorée, c’est pour ça qu’on en parle peu. On parle “d’explorateurs” pour qualifier des personnes qui ont exploité des terres et des personnes.
« On parle des bienfaits de la civilisation comme s’il n’y avait pas de civilisation avant l’arrivée des colons. Souvent l’angle pris dans les curriculums, c’est un angle de suprématiste blanc. Dans les curriculums tout ce qui est venu de l’Europe a amélioré l’Amérique. Je ne blâme pas les enseignants, c’est juste depuis les dernières années qu’on a commencé à s’interroger sur ce qu’on enseigne dans nos salles de classe à ce sujet. »
Sur la question des francophones, Joël Térault, en son nom propre, a une hypothèse pour comprendre ce point de vue. « L’influence de l’Église catholique sur la perspective des gens est restée ancrée. L’Église catholique a enseigné qu’on amenait des missionnaires pour convertir, pour enseigner, pour civiliser. Il y avait cette croyance que les peuples autochtones étaient des “sauvages”.
« Je pense que ces idéologies-là ont influencé les croyances. Bien que la plupart des Canadiens-Français ne soient plus pratiquants, ces idéologies sont encore très vivantes. Il y a encore des gens qui vont dire : l’Église a fait de bonnes choses, l’intention des pensionnats autochtones, c’était de bonnes intentions. Cette manière de penser excuse le but premier des pensionnats. »
Si inclure des perspectives autochtones dans les curriculums scolaires reste un premier pas vers la réconciliation, encore faut-il savoir comment les inclure. « Ce n’est pas seulement en histoire qu’il faut penser en matière de perspectives autochtones. C’est dans tous les programmes : en sciences, en géographie, en mathés.
« C’est difficile de changer tout un système, mais il y a des choses qui pourraient très bien être mises en place. Par exemple en géographie : pourquoi ne pas inclure le développement durable?
« C’est juste qu’on a appris avec une seule perspective alors tout décoloniser est un long processus.
« Je dois saluer la DSLR qui est très progressiste et avant-gardiste sur ces questions, c’est un changement de pédagogie qui doit être pensé pour répondre à la question : est-ce que cet enfant va devenir une meilleure personne? »