FRANCOPRESSE – Devant le Comité sénatorial des langues officielles lundi, des organismes spécialisés dans l’accueil et l’établissement des immigrants francophones ont exposé leurs craintes autour de la question du manque de logement pour les nouveaux arrivants. « Cela nous fait peur », a partagé un témoin.
Inès Lombardo – Francopresse
Les organismes sont-ils prêts à accueillir un nombre grandissant d’immigrants? Voilà la question que la sénatrice Raymonde Gagné a posé aux témoins invités au comité. « Pour nous, la réponse est oui tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral traitera parallèlement le dossier du logement », a répondu du tac au tac Brigitte Duguay, coordonnatrice du Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’est de l’Ontario (RSIFEO).
Selon elle, les communautés imaginent toutes sortes de « gymnastique » pour loger les nouveaux arrivants, critiquant le fait que la tâche retombe sur leurs épaules plutôt que sur divers paliers de gouvernement.
« Nous pensons à toutes sortes de solutions, mais à un moment donné, nous sommes épuisés quant aux diverses solutions que nous pouvons apporter. Cela nous fait peur. Nous sommes prêts à accueillir ces gens, mais nous n’avons pas suffisamment de logements », a-t-elle insisté.
En mêlée de presse, le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a reconnu qu’« il n’y a pas beaucoup d’opportunités pour les nouveaux arrivants de trouver du logement », mais que les modifications apportées récemment au système Entrée express aident la sélection des personnes « avec des compétences pour construire des maisons ». C’est l’une des solutions, selon lui, pour « réduire les pressions sur le système de logement ».
Le ministre a précisé que le processus de consultation en cours, jusqu’au 8 janvier, permettra une optimisation du système Entrée express, et « considérera tous les dossiers du gouvernement dans le soutien de la nouvelle population du Canada ».
Le 23 juin 2022, des modifications législatives au système Entrée express ont permis de sélectionner les candidats avec des compétences particulières qui viendraient soulager des secteurs en pénurie de main-d’œuvre, comme dans la construction, les soins de santé, l’enseignement.
Comme le précise le site du ministère, cette sélection des candidats est réalisée en créant des « catégories » – autrement dit, en sélectionnant les immigrants sur la base d’attributs clés qui viennent en appui aux priorités économiques établies, comme les diplômes, l’expérience de travail ou la connaissance des langues officielles.
« Arrêter de politiser » l’immigration francophone
La question de la cible non atteinte de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec est revenue pendant le comité.
Ferdinand Bararuzunza, coordinateur du programme du Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan (RIF-SK), a suggéré que l’atteinte de cette cible est possible « à travers des programmes que nous avons déjà proposés [comme] le recrutement international, probablement le recrutement des réfugiés. Il y a des ressources dans certains pays où on pourrait effectivement amener un nombre remarquable de réfugiés francophones qui sont hautement qualifiés […]. »
Brigitte Duguay-Langlais a quant à elle appelé les parlementaires à « arrêter de politiser » le dossier de l’immigration francophone et de le « rendre comme un projet de société. Il faut que tout le monde prenne ce dossier comme une responsabilité personnelle ou de son ministère ».
« J’ai assisté à d’autres instances où on utilisait mes propos soit pour se lancer des fleurs ou dénigrer un autre parti politique. On a un peu l’impression d’être balloté ou utilisé, c’est presque frustrant. Je veux que cela arrête, ces guerres de partis, de politique », a-t-elle ajouté, vivement.
Pour Mme Duguay-Langlais, chaque ministère doit avoir « son champion en immigration francophone » et le premier ministre devrait « en faire un sujet dans toutes les lettres de mandat [des ministères] qui doivent appuyer M. Sean Fraser à atteindre ses objectifs puis ses cibles. Seul, le ministère n’y arrivera jamais », a-t-elle insisté avec gravité.
Plus de facultés pour attirer et retenir les diplômés
En Saskatchewan, Ferdinand Bararuzunza a souligné le défi de rétention des jeunes francophones qui terminent l’école secondaire : « L’Université de Regina n’est pas véritablement bilingue. Il y a une faculté des lettres, mais comme vous le savez, il faudrait mettre dans cette université beaucoup d’autres facultés : sciences économiques, droit, médecine, comme on le voit à Ottawa ». Une solution qui pourrait, selon lui, présenter la province comme un endroit où étudier en français pour les immigrants.